A la question « Que faut-il faire pour protéger l’environnement ? », la majorité des Français y répond qu’il faut réduire la consommation d’énergie, utiliser les transports en commun, réduire ses déchets ou encore changer son alimentation. Ces solutions miracles semblent s’appliquer indifféremment et quel que soit les lieux de vie, sans distinction des particularismes locaux. Cette pensée politique de l’écologie illustre parfaitement la mentalité mondialiste.

Rares sont ceux qui évoquent la préservation des langues dans leurs diversités. Et pourtant des chercheurs de l’université de Zurich en Suisse (Rodrigo Camara-Leret, Miguel A. Fortuna et Jordi Bascompte) ont exploré cette question dans une étude intitulée Indigenous knowledge networks of global change, parue le 1er mai 2019 dans la revue américaine PNAS.

Pour les besoins de leur étude, les chercheurs ont observé les pratiques de 57 tribus autochtones en Amérique du Sud. Ils se sont intéressés aux langues de ces tribus, et plus précisément aux noms qu’ils attribuent aux plantes dans leurs environnements. 

La langue permet de nommer notre environnement et de ce fait le faire exister ; chaque génération enrichit la langue un peu plus. Or, inévitablement, lorsqu’une langue meurt c’est toute une vision du monde qui s’écroule. C’est d’ailleurs ce qu’affirmait le célèbre linguiste et philosophe Georges Steiner dans son ouvrage Errata : Récit d’une pensée ;

« Une langue fût-elle chuchotée par une infime poignée sur quelque parcelle de territoire condamnée, est la mort d’un monde. »

Georges Steiner était polyglotte et maitrisait le latin et le grec ancien. Cette connaissance des langues a nourri une réflexion sur le sens et la traduction (laquelle est pour lui une trahison puisqu’elle nie l’âme d’une langue). Cet intérêt donné au sens est tout aussi important lorsqu’il s’agit de nommer des plantes.

Les scientifiques qui ont mené l’étude de Zurich sont arrivés à la conclusion que les savoirs liés aux plantes disparaissent avec l’extinction de la langue. En effet, les savoirs sont transmis oralement et le manque de locuteurs entraine la perte indéniable de ceux-ci.

Précisons que ces peuples indigènes utilisent leurs milieux, dont les plantes environnantes, à des fins diverses : l’alimentation, la médecine, la spiritualité, l’habitation, la chasse et la pêche. L’étude montre qu’une même plante peut être utilisée à des fins différentes selon le peuple et la culture qui l’utilise ; par exemple un groupe déterminé peut utiliser une plante pour l’habitation et la pêche tandis qu’un deuxième groupe utiliserait cette même plante pour les soins et les cérémonies. Les chercheurs nous démontrent donc que nous avons besoin de plusieurs langues pour connaitre toutes les utilisations et tous les savoirs liés à une même plante.

Schéma publié dans l’étude Zurich, montrant les différentes utilisations des plantes par les communautés autochtones.

Cette étude scientifique est un véritable plaidoyer pour la diversité linguistique. Elle nous montre combien les savoirs sont liés aux langues et nous rappelle la nécessité de les parler pour continuer à faire vivre le monde qu’elles seules sont en mesure de nommer.

La disparition des langues et des cultures des peuples autochtones d’Amérique émeuvent de nombreuses personnes. Peut-être parce qu’ils sont loin de chez nous ou parce qu’ils ont une dimension quasi-romanesque. Mais des plantes et des langues, il y en tout près de chez vous, à quelques kilomètres, si ce n’est à quelques pas de là où vous habitez. En France nous avons également des savoirs liés aux plantes reliés à des langues qui se meurent.

Pour en parler, Cheminez a interviewé la lexicographe et l’ethnobotaniste en domaine occitan Josiane Ubaud, bien consciente des liens entre les langues et les plantes évoqués dans l’étude Zurich, comme elle nous le rappelle dans la partie 3 de notre interview, à paraître ce vendredi. En attendant, n’hésitez pas à découvrir les parties 1 et 2 de cet entretien passionnant !

Une réponse à « Ecologie : moins de soja et plus de langues pour préserver la planète selon cette étude »

  1. Excellent article

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