Après avoir étudié l’Histoire de l’Irlande, de la Grande Famine (1845-1852) au déclenchement de la Guerre d’Indépendance, avec le meurtre de deux agents de la Police Royale irlandaise par des Irish Volunteers, la rédaction de Cheminez s’intéresse aujourd’hui aux trois grands conflits qui ont ensanglanté l’Île d’Émeraude et dont les conséquences se font encore ressentir aujourd’hui.

Une guerre pour l’Indépendance

En février 1919, Michael Collins – le directeur des Irish Volunteers – parvient à faire s’évader Éamon de Valera de prison, qui devient Président du Dáil en avril. Ce dernier nomme un gouvernement provisoire, avant de partir aux États-Unis pour obtenir le soutien du Président Woodrow Wilson dans la reconnaissance des droits des Irlandais à l’auto-détermination lors de la Conférence de la Paix de 1919, ainsi que de l’argent. Pendant ce temps, Michael Collins, nommé ministre des Finances, fait le tour de l’Irlande à bicyclette et grâce à son bagout réussit à emprunter aux sympathisants de la cause indépendantiste. Très populaire, il est surnommé « le Big Fellow ».  

Entre août 1919, le gouvernement britannique interdit le Sinn Féin, et le Dáil est dissous. Michael Collins, qui avait été déçu du manque d’organisation et d’entrainement militaire lors de l’insurrection de 1916, dirige les actions de l’Irish Républican Army (IRA) – née de l’union entre les Irish Volunteers et l’Irish Citizen Army –, qui commet des attaques contre des policiers, des raids et des attentats à la bombe. Le « Big Fellow » devient l’inventeur du « terrorisme urbain ». 

Michael Collins, le Big Fellow

Harcelée par l’IRA , l’armée britannique va riposter de manière extrêmement violente. En mars 1920, l’empire décide de recruter quelques 7 000 vétérans de la Première Guerre Mondiale pour réprimer les actions de guérilla de l’IRA. Ils sont rapidement surnommés les « Black and Tans ». Leur violence et leur sauvagerie vont consolider le soutien des Irlandais à l’égard de l’IRA. En août 1920, c’est une deuxième force armée, plus violente encore, qui est envoyée : l’Auxiliary Division, dont les membres sont appelés les « Auxies ».

L’écrivain franco-irlandais Pierre Joannon, rédacteur en chef d’Études Irlandaises, donne un aperçu de la violence des Black and Tans et des Auxies dans les colonnes du mensuel L’Histoire (n°471) :

« Convaincus qu’il ne saurait y avoir de meilleure protection que la peur qu’ils inspirent, Black and Tans et Auxies sèment la terreur. Leurs raids sont de véritables expéditions punitives. Des prisonniers ou de simples suspects sont torturés ou exécutés sommairement, des maisons incendiées, des commerces pillés. En maints endroits, des civils sont jetés à la rivière sous des grêles de balles. A Lahinch, un homme est précipité dans les flammes de sa propre maison. A Cork et dans le comté de Galway, des jeunes sont fouettés jusqu’au sang. Un prêtre qui administrait les derniers sacrements est abattu d’une balle dans la tête. Tomas Mac Curtain, le maire nationaliste de Cork, est assassiné dans son lit. » 

La violence grimpe tragiquement le dimanche 21 novembre 1920. Michael Collins projette d’affaiblir les services secrets britanniques, ordonne l’exécution d’agents et d’informateurs au service de la puissance occupante – dont certains avaient infiltré plusieurs organisations nationalistes irlandaises. Tôt le matin, l’IRA mène une opération de grande ampleur et tue quatorze personnes.

En représailles, l’après-midi même, des Auxies et des membres de la Police Royale irlandaise tirent sur une foule qui s’était réunie à Croke Park pour assister à un match de football gaélique, et font 14 morts et une soixantaine de blessés. La plus jeune des victimes assassinées s’appelle Jerome O’Leary et est mort à l’âge de 10 ans.

Le match de football gaélique à Croke Park à l’issue tragique

L’événement, connu sous le nom de « Bloody Sunday » (« dimanche sanglant »), fait scandale à l’international et jette définitivement l’opprobre sur la politique de maintien de l’ordre de l’Empire Britannique en Irlande. Au Château de Dublin, les représentants britanniques sont horrifiés par ce massacre non-autorisé. 

Dans les deux camps, l’heure est à la vengeance. Une semaine après le Bloody Sunday, l’IRA tue 17 Auxies en patrouille. Le 11 décembre, les Black and Tans et les Auxies incendient la ville de Cork et tirent sur les pompiers venus éteindre le feu. 

En Grande-Bretagne, la question irlandaise divise de plus en plus, et le gouvernement britannique perd le soutien à la fois de l’église anglicane – Alexandra MacLennan mentionne dans son Histoire de l’Irande une résolution demandant la fin du régime militaire sur l’Île Verte –, de la presse, des libéraux radicaux, des travaillistes et d’une partie du camp conservateur. 

Le 20 décembre 1920, le Parlement de Westminster vote le Government of Ireland Act, qui décide d’une partition de l’Irlande en deux entités : les six comtés de l’Ulster deviennent l’Irlande du Nord, protestante, et les vingt-six autres comtés deviennent l’Irlande du Sud, catholique. Chaque Irlande, qui demeure toujours dans le Royaume-Uni, obtient un Parlement, et l’Irlande du Sud obtient également une Cour suprême et une Haute Cour de Justice.

Le roi George V à Belfast

Entre janvier et juin 1921, la violence est à son comble : avec plus de 1000 morts, les historiens considèrent que 70% des victimes du conflit sont décédées durant ce laps de temps. Le roi George V, ulcéré des violences commises en son nom, prononce un discours le 22 juin 1921 à Belfast pour l’inauguration du Parlement d’Irlande du Nord, dans lequel il appelle à la fois à la paix entre Irlandais et Britanniques, et entre catholiques et protestants : 

I speak from a full heart when I pray that My coming to Ireland to-day may prove to be the first step towards an end of strife amongst her people, whatever their race or creed. In that hope, I appeal to all Irishmen to pause, to stretch out the hand of forbearance and conciliation, to forgive and to forget, and to join in making for the land which they love a new era of peace, contentment, and goodwill.

Je parle de tout mon cœur lorsque je prie que Ma venue en Irlande aujourd’hui soit le premier pas vers la fin du conflit qui divise son peuple, pour des questions de race ou de croyance. Dans cet espoir, j’appelle tous les Irlandais à faire une pause, à tendre la main de la tolérance et de la réconciliation, à pardonner et à oublier, et à s’unir pour créer une nouvelle ère de paix, de contentement et de bonne volonté pour la terre qu’ils aiment.

Le même jour, Éamon De Valera est arrêté à Blackrock dans la banlieue de Dublin, mais est relâché dès le lendemain – preuve s’il en est d’un profond changement dans la doctrine anglaise. En tant que Président de la République d’Irlande, Éamon De Valéra est invité à négocier avec le gouvernement britannique de David Lloyd George. 

Après avoir signé une trêve le 11 juillet 1921, De Valéra rencontre à quatre reprise le Premier ministre britannique. Invité à se rendre à Londres, il refuse – sous le prétexte qu’un Président n’a pas à être convoqué par un Premier Ministre – et envoie Michael Collins et Arthur Griffith pour négocier la fin de la guerre

Éamon De Valera

Le 6 décembre 2021, Michael Collins signe le traité anglo-irlandais. Les négociations ont abouti à la création de l’État libre d’Irlande, qui a un statut de dominion – à l’instar du Canada et de l’Australie ; par conséquent, si les Irlandais ont leurs institutions propres, le roi George V demeure le chef de l’État et les membres du Dáil Éireann ont obligation de prêter allégeance à la couronne britannique. De son côté, l’armée du Royaume-Uni doit évacuer l’île. Enfin, le traité acte la partition de l’Irlande – l’Ulster, désormais appelé Irlande du Nord, continue de faire partie du Royaume-Uni. 

La guerre civile irlandaise

Le traité anglo-irlandais divise profondément le camp nationaliste. Michael Collins et Arthur Griffith le soutiennent, Éamon De Valera et Cathal Brugha le rejettent. Les anti-traités refusent à la fois la partition de l’Irlande et l’obligation de prêter allégeance au Souverain britannique. La République, sinon rien ! Après avoir été approuvé avec une majorité écrasante à Westminster, il est soumis au vote du Dáil le 7 janvier 1922. Les pro-traités remportent la victoire, avec 64 votes contre 57. Éamon De Valera démissionne de son poste de Président, Arthur Griffith le remplace. 

Le 14 avril 1922, 200 membres anti-traité de l’Irish Republican Army, menés par Rory O’Connor – ancien directeur de l’ingénierie de l’IRA – occupent le Palais de Justice de Dublin. L’objectif est double : premièrement, narguer le gouvernement d’Arthur Griffith ; deuxièmement, faire échouer le traité anglo-irlandais, en provoquant une crise diplomatique et militaire avec le Royaume-Uni.

Alors que les élections générales du 16 juin 1922 donnent une large majorité aux députés du Sinn Féin pro-traité, deux membres de l’IRA assassinent le maréchal Henry Hughes le 22 juin 2022 . Michael Collins, qui depuis de longues semaines avait essayé de parlementer avec Rory O’Connor, est contraint d’ouvrir le feu sur le Palais de Justice le 28 juin. Les combats de ce que l’on appelle depuis la Bataille de Dublin (Battle of Dublin) ont duré jusqu’au 5 juillet 1922, et se terminent par une victoire des Pro-Traité et du Gouvernement provisoire

La Bataille de Dublin marque le début de la Guerre Civile irlandaise

Cathal Brugha, qui a été le président du premier Dáil et compte parmi les leaders des anti-traités, meurt de ses blessures le 7 juillet 1922. Quant à Rory O’Connor, il est condamné à mort et est exécuté le 8 décembre 1922. La Bataille de Dublin est le déclenchement d’un événement tragique : la Guerre Civile irlandaise. 

Deux factions s’opposent désormais : l’Irish National Army (INA), l’armée aux ordres du Gouvernement de l’État libre d’Irlande et dirigée par Michael Collins, et l’Irish Republican Army (IRA), que commande l’anti-traité Liam Lynch. Alors que l’IRA prend le contrôle de certaines villes du sud-ouest de l’Irlande, le gouvernement londonien fournit en armes l’Irish National Army de Michael Collins, qui arrive à mettre en échec les Anti-Traités et à reprendre le contrôle d’une grande partie du territoire. 

Toutefois, le mois d’août est particulièrement difficile pour l’État Libre d’Irlande. Arthur Griffith meurt d’une hémorragie cérébrale le 12 août 1922. Dix jours plus tard, alors qu’il se rendait dans le comté de Cork dans le but de négocier la paix avec Éamon De Valéra, le « Big Fellow » Michael Collins est pris dans une embuscade dans le lieu-dit Béal na Bláth, « la bouche des fleurs ». Il meurt d’une balle derrière la tête à l’âge de 31 ans. 

Le peintre John Lavery rend hommage à Michael Collins dans ce tableau intitulé Michael Collins, Love of Ireland

Dans les deux camps, en dépit d’un affaiblissement certain, les tensions montent d’un cran : l’IRA mène des actions, notamment contre des membres du Gouvernement de l’État Libre d’Irlande, désormais dirigé par William T. Corsgrave ; en réaction, les membres prisonniers de l’IRA sont exécutés par l’Irish National Army

De plus en plus, l’IRA est prise en grippe par la population irlandaise, qui souhaite la paix. Au point tel qu’Éamon De Valera, contraint à la fois par l’hostilité populaire et les échecs répétés des actions de l’IRA, ordonne un cessez-le-feu le 29 avril 1923. Les Anti-Traités déposent les armes le 26 mai de la même année. Au total, la Guerre Civile irlandaise a tué près de 4 000 irlandais, soit plus de victimes de la Guerre d’indépendance. 12 000 républicains anti-traités sont incarcérés, dont Éamon De Valera, jusqu’en 1924. 

La Guerre Civile irlandaise a profondément impacté la société civile irlandaise. En 1928, William Butler Yeats – couronné du Prix Nobel de Littérature en 1923 – publie le recueil The Tower, dans lequel se trouve des poèmes écrits entre 1922 et 1923 et regroupés sous le titre Meditations In Time of Civil War (en français, « Méditations du temps de la Guerre Civile« ). Un de ces poèmes porte un titre pour le moins éloquent : I see Panthoms of Hatred and of the Heart’s Fulllness and of the Coming Emptiness (en français, « Je vois des Fantômes de Haine et d’un Cœur Plein et du Vide Qui Approche »). Yeats écrit : 

"Vengeance upon the murderers," the cry goes up, 
"Vengeance for Jacques Molay." In cloud-pale rags, or in lace,
The rage-driven, rage-tormented, and rage hungry troop,
Trooper belaboring trooper, biting at arm or at face,
Plunges towards nothing, arms and fingers spreading wide
For the embrace of nothing, and I, my wits astray
Because of all that senseless tumult, all but cried
For vengeance on the murderers of Jacques Molay.
"Vengeance contre les meurtriers," ce cri s'élève, 
Vengeance pour Jacques Molay." En haillons de brume ou de dentelle,
La troupe que la rage pousse, harcèle, affame,
Troupier frappant troupier, mordant bras ou visage,
Plonge vers le néant, bras et doigts écartés
Pour serrer le néant, et moi, l'esprit perdu
Dans tout ce tumulte insensé, j'allais presque crier
Vengeance contre les meurtriers de Jacques Molay.

Dans une note, Yeats explique la mention au grand maître des Templiers Jacques Molay, condamné à mort par le roi Philippe Le Bel : « Dans la deuxième strophe du septième poème, on peut lire : « Vengeance contre les meurtriers de Jacques Molay ». Ce cri de vengeance justifié par le meurtre du grand maître des templiers, me semble parfaitement représenter ceux dont toute l’action trouve sa source dans la haine et ne peut, par conséquent, qu’être stérile. » 

« The Troubles », le conflit nord-irlandais

Sorti en 1924 de prison, Éamon De Valera fonde un nouveau parti politique, le Fianna Fáil, avec pour principal cheval de bataille la réunification de l’Irlande. Le Fianna Fáil remporte une majorité relative à l’occasion des élections législatives de 1932.

Le Fianna Fáil fondé par Éamon De Valera (au centre du premier rang)

L’historien Christophe Gillissen note dans un article intitulé « Un siècle de déchirures irlandaises » (paru dans le n°455 de L’Histoire) que « malgré les ressentiments encore vivaces nés de la guerre civile, De Valera put prendre ses fonctions dans le cadre d’une alternance démocratique pacifique ». Il poursuit : 

« Cette alternance s’explique par la crise économique résultant du krach de 1929, mais aussi par l’échec de la révision de la frontière promise en 1921. Les conclusions de la commission mise en place à l’époque étaient tellement défavorables à l’État libre – il était prévu de transférer certains territoires du sud au nord – que Dublin préféra reconnaître la frontière existante, confirmant ainsi la partition de l’île en 1925. »

La promulgation d’une nouvelle constitution en 1937, qui proclame que l’Irlande est une République indépendante du Royaume-Uni avec pour première langue officielle le gaélique, va creuser le fossé entre les deux côtés de la frontière. En Irlande du Nord, où la majorité protestante reste fidèle au Royaume-Uni, les catholiques sont discriminés.

La Northern Irish for Civil Rights Association (NICRA), l’Association nord-irlandaise pour les droits civiques

Influencés par les méthodes de Martin Luther King, des catholiques et des protestants progressistes militent au sein de l’Association nord-irlandaise pour les droits civiques. Mais la répression par les forces de l’ordre va tendre les relations entre les deux communautés au point que ressurgissent à la fois l’Ulster Volunteers Force et l’Irish Republican Army, dont l’objectif est de défendre les quartiers catholiques. 

En 1971, sous l’influence du Premier Ministre britannique conservateur, le pouvoir londonien autorise l’internement sans procès et sur simple soupçon d’appartenance à l’IRA de tout nord-irlandais catholique, et interdit les marches et défilés en faveur des droits civiques. Suite à cette décision, des heurts éclatent un peu partout dans le pays. Durant les derniers mois de l’année 1971, une trentaine de soldats britanniques – appelés en renfort par le Parlement nord-irlandais – sont assassinés par l’IRA.

Le 30 janvier 1972, l’Association nord-irlandaise pour les droits civiques organise une marche à Londonderry, dans le quartier catholique de Bogside, afin de contester l’autorisation de l’internement sans procès. Le point de non-retour est atteint lorsqu’un régiment de parachutistes de l’armée britannique ouvre le feu sur les manifestants, faisant 14 morts et 28 blessés. Plusieurs adolescents ont été tués, dont certains de balles dans le dos. 

Le Bloody Sunday de 1972, à Londonderry

L’événement, surnommé « Bloody Sunday » – en référence à celui de 1920 que nous avons évoqué plus haut –, choque la population civile ainsi que la communauté internationale. La République d’Irlande décrète une journée de deuil national en hommage aux victimes. Plusieurs pays européens, dont la France, pressent le Royaume-Uni de travailler ardemment pour obtenir la paix, et ce alors que le pays s’apprête à rejoindre avec l’Irlande la Communauté Économique Européenne – l’ancêtre de l’UE.

Le gouvernement britannique tente d’abord de se disculper, en ouvrant une commission d’enquête qui justifie l’évènement en prétextant qu’il s’agissait d’une réponse à des tirs de l’IRA. Toutefois l’explication n’a pas convaincu grand monde : seuls des civils désarmés sont morts, et des soldats contredisent anonymement la version officielle dans un reportage diffusé sur Channel 4. 

En 1972, le chanteur anglais d’origine irlandaise John Lennon[1] – ex-chanteur des Beatles – écrit une chanson intitulée Sunday Bloody Sunday, parue dans l’album Some Time in New York City, et dans laquelle il dénonce ce crime choquant. 

Well it was Sunday
Bloody Sunday
When they shot the people there
The cries of thirteen martyrs
Filled the free Derry air
Is there anyone among you
Dare to blame it on the kids ?
Not a soldier boy was bleeding
When they nailed the coffin lids !
Eh bien, c'était dimanche
Sanglant Dimanche
Quand ils ont tiré sur la foule
Les pleurs des treize martyrs
Ont rempli l'air libre de Derry
Y a-t-il quelqu'un parmi vous
Pour oser blamer des enfants ?
Pas un enfant soldat ne saignait
Quand ils ont cloué les cercueils !

La chanson est d’ailleurs un véritable brûlot pour la réunification de l’Irlande et le retrait des Britanniques d’Irlande du Nord. 

You anglo pigs and scotties 
Sent to colonize the north
You wave your bloody Union Jack
And you know what it's worth !
How dare you hold on to ransom
A people proud and free !
Keep Ireland for the Irish
Put the English back to the sea !
[...]
Repatriate to Britain
All of you call it home
Leave Ireland to the Irish
Not for London or for Rome.
Vous, porcs d'anglais et écossais, 
Envoyés coloniser le Nord
Vous agitez votre putain d'Union Jack
Et vous savez sa valeur !
Comment osez-vous demander une rançon
À un peuple fier et libre !
Laissez l'Irlande aux Irlandais
Repoussez les Anglais à la mer !
[...]
Retournez en Grande-Bretagne
Vous tous qui l'appelez maison!
Laissez l'Irlande aux Irlandais
Non à Londres ou à Rome !

En 1983, le groupe irlandais U2 chante également une chanson intitulée Sunday Bloody Sunday, dont les paroles font également référence à ce dramatique événement. Véritable appel à la paix entre catholiques et protestants, cette chanson pacifique est sans doute l’une des plus réputées du groupe de rock.[2]

Face à la pression internationale et populaire, les différents belligérants signent l’Accord de Sunningdale, dont l’objectif est le partage du pouvoir entre les communautés protestantes et catholiques, afin d’éviter toute forme de discrimination entre les communautés. L’accord aboutit également à la création d’un Conseil de l’Irlande, visant à réconcilier et à faire coopérer l’Irlande du Nord et la République d’Irlande. Toutefois, les unionistes protestants d’Irlande du Nord font échouer l’accord en 1974, par le moyen de grèves de grande ampleur. 

Suite à cet échec, les violences repartent de plus belle, et la répression contre l’IRA gagne en violence. Les conditions de détention des membres de l’Irish Republican Army enfermés dans les prisons nord-irlandaises inquiètent la communauté internationale, qui s’indigne de la mort de 10 prisonniers qui faisaient une grève de la faim pour dénoncer la manière dont ils étaient traités. Très critiquée, Margaret Thatcher ne daigne pas réagir – prouvant par la sorte combien son surnom « La Dame de Fer » n’était pas usurpé. 

Margaret Thatcher, dont le surnom n’était pas usurpé

Mais lorsque Washington et le Parlement européen de Strasbourg haussent le ton, grâce au lobbyisme de John Hume – homme politique catholique modéré –, Thatcher fléchit et propose le 15 novembre 1985 l’Accord anglo-irlandais, qui garantit à Dublin un droit de regard sur les affaires nord-irlandaises. S’il n’est pas parfait, et ne satisfait pas tout le monde, l’accord permet d’envisager une paix entre les différents belligérants ; en effet, comme le souligne Christophe Gillissen, les dirigeants de l’IRA comprennent que « le véritable obstacle à la réunification n’était pas le gouvernement britannique, puisque Londres s’était officiellement engagée à mettre un terme à la partition si une majorité d’électeurs nord-irlandais le souhaitait, mais les unionistes. » 

Bien que le nombre de morts continue d’augmenter dans les deux camps, notamment suite à une campagne d’assassinats de catholiques et de membres du Sinn Féin par des loyalistes protestants, les négociations entre John Hume et Gerry Adams – le dirigeant du Sinn Féin lié à l’IRA – aboutissent à une stratégie fondée sur la diplomatie. Le président américain Bill Clinton, répondant aux injonctions de Hume, est très attentif à l’évolution du processus de paix. 

L’Accord du Vendredi Saint est finalement signé le 10 avril 1998. Deux points importants sont décidés : l’exécutif nord-irlandais sera désormais dirigé par un Premier Ministre unioniste et un vice-Premier ministre nationaliste. La mésentente entre les deux pôles de cette direction bicéphale aboutirait à la destitution de l’exécutif. Par ailleurs, un Conseil ministériel nord-sud est créé, dans lequel collaboreront le gouvernement de l’Irlande du Nord et de la République du Sud

La signature du Good Friday Agreement, l’Accord du Vendredi Saint

Si le bilan humain est lourd (entre 3 181 et 3 665 morts selon les sources et plus de 40 000 blessés), le conflit nord-irlandais a surtout eu un impact psychologique désastreux sur la population nord-irlandaise. Le sentiment d’insécurité, renforcé par une présence policière et militaire très présente, a eu pour conséquence l’explosion de la consommation de drogues et d’alcool, mais également de cauchemars et de suicides.

Un rapport publié en janvier 2016 dans The Irish News indiquait que « plus de personnes se sont suicidées au cours des 17 dernières années qu’il n’y en a eu au cours des 30 années de conflit en Irlande du Nord »[3]. Les statistiques indiquent que le nombre de suicides a augmenté de manière exponentielle depuis l’Accord du Vendredi Saint. Les jeunes hommes catholiques étant davantage touchés par ce phénomène. 


[1] John Lennon avait un grand-père irlandais né à Dublin, John Jack Lennon. 

[2] Notons que U2 a la singularité d’avoir des membres catholiques et protestants.

[3] « More people have died by suicide in the past 17 years than were killed during 30 years of conflict in Nothern Ireland.” 

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