Longtemps perçue comme un simple espace d’éveil à la lecture et d’évasion par le rêve et l’humour, la littérature jeunesse joue également un rôle essentiel dans l’ouverture des enfants aux réalités du monde qui les entoure. Elle peut ainsi devenir un formidable outil pour les aider à appréhender, de manière sensible, des thématiques dites « matures », telles que le racisme, les discriminations ou l’exclusion, en les invitant à développer leur empathie et leur esprit critique.
À ce titre, Inès avec accent, d’Annelise Heurtier et Bérengère Delaporte, en constitue une brillante illustration. Publié en 2025 aux éditions Talents Hauts, ce court roman illustré de 74 pages raconte l’histoire d’Inès, une jeune fille qui rêve de représenter son école primaire lors d’un championnat de lecture à haute voix. Mais lorsque Brune, l’élève la plus populaire de l’école, lui affirme que son accent jurassien l’éliminera du concours, toutes les certitudes de la jeune fille s’effondrent.

Dans Inès avec accent, Annelise Heurtier s’empare de la question de la glottophobie, une forme de discrimination encore largement sous-estimée dans notre société. Le récit suit l’évolution intérieure de l’enfant : confrontée brutalement au regard des autres, Inès prend conscience que son accent peut devenir un motif de rejet et de moquerie. Elle cherche alors à le dissimuler, au risque de se renier elle-même. C’est finalement grâce au soutien de ses parents et de ses proches qu’elle parvient à accepter cette singularité et, par là même, à s’accepter pleinement.
À travers le parcours intérieur d’Inès, le récit met en lumière, avec une grande simplicité, la manière dont l’État français a longtemps conduit plusieurs générations à rejeter leurs langues maternelles et leurs accents. Selon une enquête de l’IFOP publiée en janvier 2020, 11 millions de Français auraient été victimes de discrimination lors d’un concours ou d’un entretien d’embauche en raison de leur accent, ce qui montre que la glottophobie reste un phénomène bien réel.

En octobre 2023, nous avions également relaté dans nos colonnes les moqueries suscitées par l’accent de Tematai Le Gayic, député GDR (communiste) de Polynésie française, au sein même de l’Assemblée nationale, rappelant que cette forme de stigmatisation perdure jusque dans les institutions publiques.
Mais Inès avec accent est bien davantage qu’un simple appel à la tolérance ; Annelise Heurtier nous invite à aimer et à être fiers de nos accents. « J’ai toujours trouvé que c’était beau, un accent. Ça raconte des choses sans avoir besoin de mots« , confie Inès. La fierté de la jeune fille qui, à la fin du roman, est « bien décidée à mettre l’accent, et pas seulement sur les émotions » lors du championnat apparaît comme un exemple à suivre.
Du 1er au 24 décembre 2025, Cheminez vous propose son Calendrier de l’Avent : chaque jour paraîtra un article mettant en avant un livre, un disque, un film ou un jeu vidéo que nous avons apprécié, afin de vous aider dans vos achats de Noël.





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