À l’inverse du cinéma japonais, coréen ou même iranien, le cinéma arabe n’est pas suffisamment représenté dans les festivals internationaux occidentaux. Si le premier long-métrage arabe date de 1927 (Leila de Wadad Orfi), il faudra attendre 1975 pour qu’un film arabe soit récompensé au Festival de Cannes, considéré comme le plus grand festival international de cinéma. Il s’agit de Chroniques des années de braise de Mohammed Lakhdar-Hamina, sur la Guerre d’Algérie. Quelques années plus tôt, en 1966, le film italo-algérien La Bataille d’Alger remportait le Lion d’Or au festival de Venise. Ce sont, à ce jour, les deux seuls films à remporter de si prestigieuses récompenses sur le continent européen. Bien évidemment, ce faible nombre de récompenses cache mal la grande diversité du cinéma arabe, et la qualité incontestable de ses films.

Le cinéma arabe fait l’objet de festivals internationaux qui lui sont dédiés, comme le Festival du Film Arabe de Fameck, dans le Nord de la France, qui depuis 1990 récompense chaque année des films en langue arabe, et met la lumière sur le paysage cinématographique d’un pays en particulier, le Maroc, l’Algérie, le Liban, la Syrie, etc. Le cinéma arabe est également très représenté au Festival français L’Afrique fait son cinéma. Sur les 28 films de l’édition de 2022, quatre venaient du Maghreb : Jrada Malha l’égarée (de Driss ROUKHE), Habiba de Hassan Benjelloun, Sharaf (de Samir Nasr), The Dilemma (de Ghazi Zaghbani), Le Dernier Round (de Mohamed Fekrane)(de Khadar Ayderus Ahmed). Un cinquième film, La Femme du Fossoyeur, de Khadar Ayderus Ahmed, était une co-production somalienne et qatari.
Cet article a pour objectif de mettre en évidence les grandes dynamiques du cinéma arabe et de dresser les grandes problématiques, notamment économiques, auxquelles il est confronté.
Du cinéma arabe aux cinémas arabes
Pendant très longtemps, lorsque l’on parlait de cinéma arabe, on parlait principalement du cinéma égyptien. Et pour cause : le cinéma arabe est né en Égypte. Est-ce parce que les Frères Lumières, les concepteurs du cinématographe, ont projeté leurs films au Caire et à Alexandrie dès 1896, soit un an à peine après les premières projections publiques en France ?
Ces films ont d’abord été projetés dans des lieux improvisés (hammams, cafés), puis dans des salles spécialisées, la première ayant été créée en 1906. Ces salles de cinéma connurent un tel succès en Égypte qu’en 1908, on en comptait déjà une dizaine, puis huit fois plus en 1917. Les premières productions tournées en Égypte étaient des courts-métrages européens, produits et réalisés par des réalisateurs européens, qui mettaient en scène des acteurs arabes.
En 1927, sort le premier long-métrage muet égyptien : il s’agit de Leila, réalisé par Wadad Orfi, et mettant en scène Aziza Amir. Ce premier long-métrage est intéressant à plus d’un titre. Tout d’abord, le film est produit par des Allemands et est réalisé par un cinéaste turc. Une particularité qui vaudra au film diverses polémiques à sa sortie, notamment de la part des nationalistes égyptiens. Ensuite, et surtout, parce qu’à l’origine du film, on trouve l’actrice Aziza Amir, la vedette du film. Non seulement Leila est construit autour de la figure d’Amir, mais en plus l’actrice-productrice a eu un rôle décisionnel majeur durant sa conception. Parce qu’elle n’était pas satisfaite du travail proposé par le réalisateur Wadad Orfi, ce dernier fut remplacé par l’acteur Stephan Rosti, qui l’a finalisé.

L’histoire d’Aziza Amir est absolument passionnante à analyser : d’abord actrice de théâtre, elle a dû prendre un nom de scène (son vrai nom était Mofida Mohamed Ghoneim), du fait des nombreux préjugés que la société égyptienne avait à l’égard des actrices de théâtre. Profitant du succès de Leila dans les salles de cinéma, qui bénéficia de l’attention du poète Ahmed Chawki et du chanteur Mohammed Abdel Wahab, et peut-être aussi des conséquences de la Révolution de 1919 (au cours de laquelle les femmes jouèrent un rôle important), Aziza Amir devint actrice, scénariste, réalisatrice, et fonda sa propre société de production, Isis Films, produisant en tout 25 longs-métrages.
Le succès des films d’Aziza Amir tient à la fois à sa capacité à traiter des problèmes sociaux et sociétaux que traverse l’Égypte à son époque (le mariage dans Lailat al farah, la classe ouvrière dans El Warsha ou encore le drame Palestinien dans Fatât min Filastîn), ainsi qu’à son talent de femme d’affaires, capable de lancer avec ses mélodrames chantés et dansés la carrière de chanteurs et des chanteuses populaires, tels que Najet Essaghira.
Nous avons évoqué le cas d’Aziza Amir, mais il est important de noter que de nombreuses autres actrices ont eu un rôle extrêmement important dans la popularisation du cinéma égyptien. On peut citer par exemple l’actrice libanaise Assia Dagher, nationalisée égyptienne en 1933, souvent citée comme l’une des pionnières du cinéma égyptien, qui a commencé sa carrière cinématographique dans Leila aux côtés d’Aziza Amir, avant de s’illustrer en 1929 dans La Beauté du Désert. Après une vingtaine de films dont elle a été la vedette (et la productrice), Assia Dagher se consacra uniquement à production, à travers sa propre société, Lotus Film, la première société de production cinématographique 100% égyptienne.

Si Aziza Amir avait confié « Je n’ai qu’une fille, et c’est le cinéma égyptien ! », on aurait tort de sous-estimer l’importance d’Assia Dahger. En 1957, elle produit Ruda Kalbi, le premier film égyptien en couleur et en CinemaScope. Une donnée importante, puisque le CinemaScope est utilisé pour la première fois aux États-Unis en 1953, avec le péplum La Tunique de Henry Koster. Si la couleur a mis du temps à s’imposer dans le cinéma égyptien, Assia Dahger a su l’ouvrir aux avancées technologiques de son temps.
En 1963, elle produit également Saladin de Youssef Chahine, l’un des plus importants longs-métrages du cinéma égyptien. Pour cette superproduction, la productrice obtient une aide financière du gouvernement de Nasser. Raison pour laquelle il est souvent considéré par la critique occidentale comme un film de propagande, servant à confondre l’image du roi Saladin, connu pour avoir repris Jérusalem des mains des Croisés et réputé pour sa grande sagesse, avec celle du dirigeant égyptien. Cependant, cela n’enlève rien aux qualités cinématographiques intrinsèques du long-métrage : la richesse des costumes, le souffle épique qui traverse le film, sa durée exceptionnelle (3h06), en font une reconstitution historique qui n’a rien à envier aux grands péplums américains des années 1960, tels que Ben-Hur.
À propos du film, on peut lire sur le site français DVDCRITIK :
« Il faut bien préciser que cette superproduction égyptienne n’a véritablement rien n’a envier à ce niveau aux films américains de la même époque comme Ben-Hur, Spartacus ou encore Les Dix Commandements (Cecil B. DeMille réalisa d’ailleurs en 1935 un film sur les croisades et la même période, simplement nommé Les Croisades, mais au traitement beaucoup plus hollywoodien et axé sur le grand spectacle et le romanesque). Rien n’a envier, non plus, à son pendant américain plus récent, tout en gardant en tête les époques de tournage et les budgets respectifs, le Kingdom of Heaven de Ridley Scott. »

Si à ses débuts, le cinéma égyptien devait une grande part de sa popularité au fait qu’il mettait en avant des chanteurs et chanteuses appréciés dans tout le monde arabe, tels que Mohammed Abdel Wahab (Al warda al bayda’, en 1933), il a su opérer une grande mutation au cours des années 50 à 70, en s’inspirant notamment des grandes révolutions Hollywoodiennes. Cela ne signifie pas pour autant que le cinéma égyptien a délaissé la musique populaire arabe : La chanson éternelle (Henry Barakat, 1952), La Chanson de mon amour (Ahmed Badrakhan, 1953), L’idole des foules (Helmy Rafla, 1967) sont autant d’exemples de l’immense succès dont jouissent les comédies musicales égyptiennes tout au long de ce que l’on nomme encore L’Âge d’Or du cinéma Égyptien.
À l’exemple du cinéma égyptien, il est intéressant d’opposer celui du cinéma algérien. Le cinéma est arrivé en Algérie pendant la colonisation française. Si le nombre de salles de cinéma connait une croissance exponentielle (188 en 1939), les films sont quant à eux réalisés par des français : L’Atlantide de Jacques Feyder (1921), L’Aventurier de Maurice Mariaud (1924), Le Bled de Jean Renoir (1929). Il s’agit le plus souvent de films de propagande, qui donnent une image profondément caricaturale de l’arabe en général, et de l’algérien en particulier, qui évolue dans des décors eux aussi très caricaturaux. Le cinéma algérien a mis du temps à se développer, et pour cause : l’état colonial a veillé à ce qu’il n’y ait pas d’industrie cinématographique sur place. Si les films que nous avons évoqués plus haut ont été tournés en Algérie, la post-production était, quant à elle, faite en Europe.

Il faudra attendre la Guerre d’Algérie pour que s’y développe petit à petit une industrie cinématographique. Entre 1956 et 1961, on compte quelques courts-métrages et émissions. En 1957, un groupe de combattants de l’A.L.N., ayant eu une formation rudimentaire, produit et réalise une série de quatre émissions, qui eurent un écho international grâce au soutien des socialistes. Dès 1960, le Gouvernement Provisoire de la République Algérienne met en place un Comité de cinéma, remplacé par un Service du Cinéma du G.P.R.A., puis par un Service du Cinéma de l’A.L.N. Quelques films seront tournés durant cette période qui précède l’Indépendance, dont La Voix du Peuple de Mohammed Lakhdar-Hamina (1961) et Les Fusils de la Liberté de Djamel Chanderli et Mohammed Lakhdar-Hamina (1961), dont les négatifs étaient conservés en Yougoslavie, pays connu pour avoir soutenu l’indépendance algérienne.
Par la suite, l’Algérie créera plusieurs structures, dont le C.N.C.A. (Centre National du Cinéma Algérien) en 1964 et l’O.N.C.I.C. (Office National pour le Commerce et l’Industrie Cinématographique) en 1967.
Parce qu’il est né des braises de la guerre d’Algérie, le cinéma algérien est profondément politique, et le sujet de la guerre d’indépendance a longtemps été central, et ce depuis le premier long-métrage de fiction de l’Algérie libre : Une si jeune paix, de Jacques Charby (1965), dans lequel le réalisateur français, condamné à dix ans de prison pour son soutien appuyé au F.L.N., raconte l’histoire de son fils adoptif, Mustapha Belaïd, qui joue dans le film. Ce dernier, victime de crimes de guerre, a été torturé et mutilé à l’âge de 8 ans par des soldats français. Le film a fait partie de la sélection du Festival de Cannes, avant d’être récompensé la même année du prix du Jeune Cinéma par le Festival de Moscou. D’autres films, primés dans des festivals internationaux, comme La Bataille d’Alger de Gillo Pontecorvo (1966, Lion d’Or à Venise) et Chronique des années de braise de Mohammed Lakhdar-Hamina (1975, Palme d’Or à Cannes), ou encore Le Vent des Aurès du même réalisateur, évoquent de manière très directe la Guerre d’Algérie.

Même lorsqu’un drame social n’a pas pour sujet principal la Guerre d’Algérie, comme Le Charbonnier de Mohamed Bouamari (1973), qui traite plus particulièrement des réformes agraires de l’Algérie Libre, les traces de la guerre sont visibles : comme tant d’autres personnages avant lui, le charbonnier du film est un ancien maquisard de l’ALN (Armée de Libération Nationale).
Cependant, malgré des récompenses souvent prestigieuses, et l’attention que lui prêtait la communauté internationale, le journaliste Abdou Benziane est tenté de reprendre à son compte, dans un article Le cinéma algérien : de l’État tutélaire à l’état moribond, les mots de Serge Daney à propos du cinéma de l’Afrique Noire : « il n’y aura jamais de cinéma là-bas. Des films oui, mais pas de cinéma. »
Analyse économique des cinémas arabes
Dans un article intitulé Introduction au cinéma égyptien, que l’on peut trouver sur le site du Festival de Cannes, le journaliste et historien du cinéma Samir Farid écrit : le cinéma égyptien « occupe le 10e rang mondial et la première place en Afrique, dans le monde arabe et au Moyen-Orient. » L’auteur explique ensuite les raisons pour lesquelles le cinéma égyptien a réussi à se développer avec autant d’efficacité dès la première moitié du XXème siècle : selon lui, le fait que le public qui peuplait les salles de théâtre était exactement le même que celui qui occupait les salles de cinéma (rappelons qu’Aziza Amir était une actrice de théâtre avant de se lancer dans le cinéma) est la principale raison de ce succès. Il pointe également le fait que les Égyptiens ont très tôt accepté de voir leurs vies montrées à l’écran, même dans leurs aspects les plus négatifs, et que le gouvernement a accompagné le développement de l’art dramatique et de l’art cinématographique, à la fois avec la création d’écoles et de prix.

Sans oublier un certain nombre de lois protectionnistes, qui garantissent encore aujourd’hui le succès des films égyptiens sur le territoire national, d’abord, et dans le monde arabe ensuite. Samir Farid écrit :
« En 2009, 120 films, pour la plupart hollywoodiens, ont été projetés en Egypte. Parmi ces 120 films, 39 étaient égyptiens et quelques-uns européens et indiens. Les recettes des salles de projection ont atteint 55 millions de dollars des Etats-Unis. Les films égyptiens ont obtenu 80% des parts du marché. Le marché du cinéma en Egypte est l’un des trois seuls marchés dans le monde où les films nationaux obtiennent la plus grande part du marché, cela grâce à des lois et à des dispositions qui protègent la production nationale. Les principales sociétés cinématographiques américaines d’Hollywood, lesquelles détiennent aux Etats-Unis et hors des Etats-Unis la plus grande part du marché international, s’opposent à ces lois et à ces dispositions qu’elles considèrent comme des mesures protectionnistes contrevenant aux traités sur la libre circulation des biens entre les nations et enfreignant les lois et les dispositions sur la liberté commerciale. »
Des propos que confirme l’Enquête sur la cinématographie nationale, produite par l’UNESCO, publiée en mars 2000. En 1995, l’Égypte a importé 220 films étrangers, tandis que durant la décennie 1988-1999, on compte en moyenne 72 productions nationales par an. Autrement dit, en 1995, en Égypte, un film sur trois qui sortait au cinéma était égyptien. À titre de comparaison, 477 films étaient importés en Belgique en 1995, pour 7 films produits dans le pays en moyenne durant la même décennie, soit un rapport d’un film belge sur 68.
D’autres données, mises en évidence par l’Enquête sur la cinématographie nationale de l’UNESCO permettent de compléter les raisons évoquées par Samir Farid.

Tout d’abord, on remarque que si l’Égypte a l’un des taux d’urbanisme les plus faibles, il a en outre le taux d’alphabétisation le plus élevé (69%) et le plus grand nombre de livres publiés annuellement (3108). Cette dernière donnée peut avoir son importance, quand on sait que l’industrie cinématographique peut puiser à foison dans cette manne bibliographique pour produire des adaptations.
À noter cependant que le cinéma égyptien, et la fréquentation des salles a connu une forte baisse momentanée, entre 1960 et 2000, à cause de deux facteurs principaux : l’apparition de la télévision, qui a concurrencé les salles de cinéma, et la politique (délaissement des salles de cinéma amenant une dégradation des services dans les salles de projection, puis la promulgation d’une loi en 1973 permettant au ministre de la culture de mettre son nez dans la programmation des salles de cinéma). C’est grâce à des lois favorisant l’investissement dans de nouvelles salles de cinéma que ces dernières ont connu un nouvel essor au cours des années 2000, et ce malgré la concurrence de la télévision et d’internet.
Le cinéma algérien, quant à lui, malgré une plus forte urbanisation et un taux d’alphabétisation sensiblement similaire à l’Égypte, peine à percer. On remarque d’abord, dans l’Enquête sur la cinématographie nationale de l’UNESCO que l’Algérie possède un plus faible taux de livres publiés annuellement (presque dix fois moins qu’en Égypte). Mais il ne s’agit bien évidemment pas de la seule explication.
Tout d’abord, les cinéastes algériens doivent faire face à la censure, comme le prouve la tribune Déclaration de cinéastes publiée en 2018 dans le quotidien algérien francophone El Watan, signée par plusieurs professionnels du cinéma algérien, parmi lesquels Karim Moussaoui (En attendant les hirondelles), dénonçant « la précarité de [leur] profession et les étroites limites fixées à la liberté de création et d’expression dans [leur] pays ».

Dans son article « Le cinéma algérien : de l’Etat tutélaire à l’état de moribond », Abdou Benziane explique comment la dissolution des structures gérant le cinéma en Algérie suite à l’écroulement du socialisme a bloqué « l’émergence d’une véritable industrie privée et d’une économie spécifique au cinéma, en amont et en aval ». Une situation que n’arrange pas la raréfaction des aides financières de l’État algérien.
Enfin, le cinéma algérien, comme une grande partie du cinéma arabe, doit faire face à une autre difficulté : son manque de rentabilité. Interrogé par l’OMPI (Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle), Alaa Karkouti, qui travaille avec MAD Solutions pour la promotion et la distribution de films dans les pays arabes, explique les difficultés qu’il rencontre : « Réaliser un film qui plaise au public des pays arabes et aux spectateurs du monde entier est un autre défi majeur. Bien que nous partagions la même langue, il existe de nombreux dialectes et de nombreuses différences sur le plan culturel et en termes d’humour ou de tolérance. Le principal obstacle n’en reste pas moins le financement des films. Les productions arabes ne sont pas très rentables, si bien qu’il est compliqué de faire des films qui seront bien accueillis aussi bien localement qu’à l’étranger. »
Cette difficulté, les cinéastes algériens la rencontrent souvent, à tel point que, comme l’explique Abdou Benziane, ils sont de plus en plus nombreux à réaliser des films en français, avec des acteurs européens. Pessimiste, il déplore que cela « générera des ruptures, sinon une distanciation dangereuse, entre les créateurs et leur public originel. »
Malgré ces difficultés que traverse le cinéma arabe, il lui reste toutefois quelques lueurs d’espoir. Tout d’abord, pour contrevenir aux problèmes de rentabilité du cinéma arabe, les sociétés de production acceptent bien souvent de faire des collaborations entre plusieurs sociétés et plusieurs états. Ainsi, il n’est pas rare d’avoir des films en provenance de plusieurs pays. C’est le cas notamment d’Atoman d’Anouar Moatassim, premier film de super-héros marocain, issu d’une co-production entre le Maroc et la Belgique. (Nous sommes longuement revenus sur l’échec du film dans un article dédié.)

En outre, Alaa Karkouti, de Mad Solutions, voit dans les différents bouleversements politiques qui ont secoué le monde arabe ces dix dernières années (printemps arabes, progression de l’islamisme politique dans certaines régions) une opportunité pour toucher de nouveaux publics : « Les bouleversements et les drames qui ont récemment frappé les pays arabes ont attisé la curiosité et aiguisé l’appétit du public, avide de nouvelles intrigues en provenance de la région. » Ainsi, non content d’attirer le public originaire des pays en question, ces intrigues, faisant écho à l’actualité politique internationale, sont également susceptibles d’intéresser d’autres pays (arabes, européens).
Par ailleurs, les plateformes Netflix et Amazon Prime Video sont également de nouvelles passerelles, en mesure de diffuser mondialement le cinéma arabe. Ainsi, des films tels que Ghadi d’Amin Dora (2013, Liban) et Le Lion du Désert de Moustapha Akkad (1981, Lybie) peuvent être beaucoup plus facilement regardés par des publics extranationaux que s’ils n’avaient bénéficié que d’une sortie en salles.
Surtout, les SVOD (Services de Vidéo à la Demande, tels que Netflix) produisent et distribuent mondialement des films arabes. Par exemple, le film Farha de la réalisatrice palestinienne-jordanienne Darin J. Sallam, traitant de la Nakba du point de vue des Palestiniens, a pu bénéficier d’une audience internationale, entrant plus facilement dans les foyers que les films, pourtant réputés dans les cercles cinéphiles, d’Elia Suleiman (Le Temps qu’il reste), traitant du même sujet.

Les choix de Netflix en la matière deviennent d’ailleurs des enjeux diplomatiques et géopolitiques. Ainsi, la sortie de Farha s’est accompagnée d’une double-polémique : d’un côté, des membres du gouvernement israélien ont accusé Netflix de « diffuser un film dont le seul objectif est d’inciter à la haine contre les soldats israéliens » ; d’un autre côté, de nombreuses voix se sont élevées en France pour accuser l’entreprise d’avoir censuré le film en France, l’un des seuls pays où le film n’est pas disponible sur la plateforme. À tel point que, comme le relate l’article d’AlloCiné « Farha : pourquoi ce film Neflix crée la polémique », l’entreprise américaine a dû répondre aux accusations de censure en France. Le cas de Farha nous montre donc l’influence que peuvent avoir les SVOD et les sujets d’actualité sur la réception du cinéma arabe.
Dernier élément d’espoir pour le cinéma arabe, ce sont bien évidemment les différents festivals de cinéma thématiques (internationaux ou régionaux). En effet, ces festivals, en plus d’être des marchés pour les distributeurs internationaux, permettent de donner une aura particulière au cinéma arabe, le consacrant en véritable objet d’études et d’admiration.
Si le sujet du cinéma arabe vous intéresse, nous vous encourageons à découvrir notre interview du metteur en scène Ahmed El Maânouni, pionnier du cinéma marocain ayant inspiré Martin Scorsese, dans laquelle il revient sur les enjeux de l’industrie chérifienne.






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