Le Collectif pour les littératures en langues régionales à l’école a présenté, le lundi 16 juin 2025, devant la presse, le fruit de son travail et de ses rencontres avec l’académicien Amin Maalouf, à l’occasion d’une conférence de presse.
Les littératures en langues régionales enfin mises à l’honneur !
D’abord, un constat. Au milieu des auteurs classiques de la littérature française étudiés au cours de leur scolarité, nos élèves sont aussi confrontés à divers écrivains étrangers : Homère, William Shakespeare, Erich Maria Remarque. Et tant mieux ! Qui s’en plaindrait ? Personne. Mais « on ne voit quasiment jamais apparaître des auteurs en langue régionale », remarque Philippe Pratx, coordinateur du Collectif pour les littératures en langues régionales à l’école, dont nous avions relayé la tribune il y a plusieurs mois.
Sous-estimées, ignorées, cantonnées au fin fond de « nos terroirs », les littératures régionales françaises sont pourtant perçues avec beaucoup de sérieux à l’étranger. En témoigne le Prix Nobel de littérature attribué en 1904 à l’écrivain occitan Frédéric Mistral, notamment connu pour son poème épique Mirèio.

Cette ignorance des littératures en langues régionales est « le fruit d’un long lavage de cerveau dans la fonction publique française », précise le journaliste Michel Feltin-Palas, auteur de la lettre d’information Sur le bout des langues pour L’Express. Pascal Ottavi, sociolinguiste corse — qui nous a fait l’honneur d’écrire un article sur Le Royaume de Julien Colonna — complète, en pointant le poids du Roman national.
L’heure n’est plus au constat, mais à l’action. Il y a plusieurs mois, le Collectif pour les littératures en langues régionales avait lancé une pétition en ligne, qui a recueilli 18 000 signatures et le soutien de personnalités connues, telles que le chanteur breton Alan Stivell, le chanteur Francis Cabrel ou encore l’écrivain Patrick Chamoiseau. Suite à la pétition, le Collectif a interpellé Amin Maalouf, secrétaire perpétuel de l’Académie française, sur ses questions. Il s’est montré d’un soutien décisif.
Après avoir invité les membres du Collectif au sein de l’institution et les avoir écoutés avec « beaucoup d’ouverture d’esprit et de bienveillance », l’auteur de Samarcande et des Identités meurtrières a commandé un corpus de textes issus de nos littératures en langues régionales. Résultat : après plusieurs mois de travail, un recueil de 32 textes bilingues a vu le jour.

Intitulé Florilangues, l’ouvrage mettra à l’honneur des « chefs-d’œuvre » — le Collectif a bien insisté sur cette notion — issus de 13 langues, dont le breton (avec la chronique Bugale ar Republik de Pierre-Jakez Hélias), le picard (L’Canchon Dormoire, plus connue sous le titre P’tit Quinquin d’Alexandre Desrousseaux), le créole martiniquais (le récit Bitako-a de Raphaël Confiant), mais aussi le corse, l’occitan, le basque, l’alsacien, le normand, le créole guyanais, entre autres. La littérature occitane sera particulièrement bien représentée, avec huit textes.
Marie-Jeanne Verny, universitaire occitaniste, explique que le recueil — qui sera publié par la maison d’édition occitane L’Aucèu Libre — couvrira tous les genres et toutes les époques, afin de révéler toute la richesse et la diversité des littératures en langues régionales. Chaque texte sera précédé d’un paragraphe explicatif rédigé par des spécialistes.
Tandis que les débats autour de la loi Molac ont révélé de manière éclatante les réticences de certains élus quant à l’enseignement des langues régionales à l’école, le Collectif précise, par la voix de Pascal Ottavi : « Notre objectif n’est pas d’enseigner les langues régionales, mais de permettre à tous les élèves de découvrir des œuvres issues des littératures en langues régionales, et pas seulement dans les régions concernées. » Le Collectif a adressé une lettre au Premier ministre François Bayrou et à la ministre de l’Éducation nationale Élisabeth Borne afin de faire intégrer ces textes dans les programmes scolaires.

Les textes sont rassemblés ; le Collectif annonce la rédaction d’une préface par une plume de renom : Barbara Cassin. De nombreuses tâches occupent désormais ses membres : finaliser la conception de Florilangues, dont la sortie est prévue d’ici un an, réfléchir à l’ajout d’un disque pour écouter les textes en langue originale, et mettre en valeur des approches pluridisciplinaires.
Quel que soit le résultat, alors que nous apprenions hier la fermeture de Coop Breizh — acteur majeur de l’édition de livres et de musique en langue bretonne —, le projet Florilangues apparaît comme une lueur d’espoir.






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