« Ferme ta gueule ». Ces trois mots, lapidaires, n’ont pas été prononcés au cours d’une soirée de famille animée, mais au micro de RTL le 6 décembre dernier de la bouche d’un homme politique de premier plan : Gérard Larcher, Président du Sénat et deuxième personnage de l’État après Emmanuel Macron. L’homme, qui siège au perchoir du Palais du Luxembourg, s’adressait à Jean-Luc Mélenchon, fondateur de la France Insoumise et ancien candidat à la présidence de la République. 

Ces propos de Gérard Larcher s’inscrivent dans un contexte très particulier : depuis le déclenchement de la guerre au Proche-Orient, Jean-Luc Mélenchon est la cible de nombreuses attaques de ses opposants. Le dimanche 4 décembre, l’homme politique a critiqué sur X (anciennement Twitter) le professionnalisme de l’éditorialiste LCI Ruth Elkrief. Un tweet qui lui a valu d’être au cœur d’une nouvelle polémique, qu’il ne nous appartient pas de commenter.

Alors que la guerre à Gaza s’éternise, peut-on pour autant arrêter les discussions, stopper les débats et sommer les responsables politiques de se taire ?

Naturellement, la sortie du Président du Sénat a fait beaucoup réagir, et a creusé le fossé entre les français, entre ceux qui soutiennent Jean-Luc Mélenchon et ceux qui soutiennent Gérard Larcher. D’un côté, une partie de la gauche accuse le Président du Sénat de corrompre le bon fonctionnement de notre démocratie tandis que les autres partis politiques et une partie de la classe médiatique félicitent son « franc parler », voire le remercient. Au micro des Grandes Gueules sur RMC, le chroniqueur Stéphane Manigold, qualifiant le chef de file de la France Insoumise d’ « imam », a traduit l’insulte de Larcher en arabe : « Bele3 fomok ».  (On peut d’ailleurs s’interroger sur l’utilisation qui est faite de la langue arabe, dont l’une des valeurs cardinales est la poésie, et qui est souvent résumée à ses insultes imagées.)

Aujourd’hui, nous entendons de plus en plus d’insultes chez les politiques : du « Casse-toi pauvre con » de Nicolas Sarkozy au « Connard » éructé par Daniel Cohn-Bendit. On se souvient également d’Emmanuel Macron, qui a déclaré vouloir « emmerder » les non-vaccinés. Si les Français semblent s’habituer malgré eux à ce niveau de langage, l’insulte n’a pas toujours été si facilement admise. Au Moyen-Âge, par exemple, où la parole avait valeur d’acte, l’offensé pouvait demander « réparation » à celui qui avait proféré l’insulte.

Plus près de nous, nous nous souvenons du dernier duel à l’épée entre deux députés de l’Assemblée Nationale. Le 20 avril 1967, lors d’un débat houleux à l’assemblée, le député socialiste Gaston Defferre insulte « d’abruti » le débuté gaulliste du Val d’Oise René Ribière. Se sentant offensé, ce dernier réclame des excuses, qui lui sont refusées. Pour laver son honneur, René Ribière demande un duel à l’épée, qui est accepté. Rendez-vous est pris pour le duel, le lendemain dans le jardin d’une résidence à Neuilly-sur-Seine, dans la région parisienne. Quelques journalistes amusés viennent couvrir l’évènement. Les duels, considérés comme archaïques, seront abandonnés après celui-là.

56 ans plus tard, le « Ferme ta gueule » lancé par Gérard Larcher à Jean Luc Mélenchon a de quoi nous interroger. De quoi ces propos orduriers sont-ils le nom ? D’un impact moins fort de l’insulte dans nos sociétés contemporaines ? Des mots qui se vident de leur sens ? Ou d’un sens de l’honneur en perdition ?

Si cet édito vous a plu, n’hésitez pas à découvrir notre papier sur le discours d’Emmanuel Macron lors de l’inauguration de la Cité Internationale de la Langue Française.

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