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Dans le paysage littéraire de ces quarante dernières années, nombre d’écrivains libanais ont réussi à se démarquer. Parmi eux, on songe à André Chédid (L’Enfant Multiple), Wajdi Mouawad (Incendies) ou Amin Maalouf (Samarcande). Ce dernier a d’ailleurs été nommé le 28 septembre 2023 secrétaire perpétuel de l’Académie française – une décoration qui, en plus de souligner l’immense talent d’écrivain de l’oncle d’Ibrahim Maalouf, vient nous rappeler tout ce que la littérature et la langue françaises doivent aux différentes vagues de migrations, qu’elles soient intra ou extra-européennes.

Ces auteurs libanais d’expression française illustrent parfaitement l’immense potentiel de la francophonie, la « littérature en français » ne se limitant pas à nos écrivains hexagonaux. Bien sûr, le Liban, étant un pays arabophone, a une imposante littérature en langue arabe. La présence de la France dans cette région du monde a toutefois permis de diffuser la langue française au côté de l’arabe. Avant la crise économique très importante que connaît le Liban, le pays a longtemps été le plus prolifique du monde arabe dans le secteur de l’édition.

Zeina Abirached, auteure de bandes-dessinées

Le français a permis à de tels auteurs d’avoir un regard extérieur sur leur pays et de pouvoir le raconter. En effet, leurs textes, romans biographiques, essais, pièces de théâtre, sont parcourus par les sujets qui hantent le Liban : l’identité, le territoire et la guerre sont des thèmes majeurs de cette littérature. Les récits écrits en français nous donnent accès à leurs expériences, à leurs réflexions, à leurs identités.

Ce sont des thématiques, certes complexes, mais abordées également en bande-dessinée, comme l’illustre parfaitement la dessinatrice franco-libanaise Zeina Abirached dans son chef-d’oeuvre Mourir, partir, revenir – Le jeu des hirondelles.

A son arrivée en France, Zeina Abirached trouve la distance suffisante pour réfléchir à son passé, à son pays, à sa ville, Beyrouth. Le thème de la guerre est fondamental dans son travail puisque ce sujet, difficile, lui permet d’aborder sans concession son enfance, douloureuse et malgré tout pleine d’espérance. Son travail montre très bien la réalité destructrice de la guerre perçue par les yeux d’une enfant, les yeux de la petite Zeina Abirached.

Son roman graphique Mourir, Partir, Revenir – Le jeu des hirondelles est à notre avis, son œuvre la plus percutante. Zeina Abirached raconte que c’est en regardant tout à fait par hasard, une vidéo d’archive de l’INA (Institut National de l’Audiovisuel) avec le témoignage d’une femme qui évoque la guerre au Liban qu’elle découvre que cette femme était en réalité sa grand-mère. Cette découverte la mène à une réflexion sur son histoire familiale avec cette grand- mère qui ne parlait jamais de la guerre, symbole d’un pays en proie au mutisme. Cette histoire intime se mêle à la grande histoire nationale libanaise. La bande dessinée a permis de redonner une voix et un visage aux victimes de la guerre.

Grâce au noir et blanc, Zeina Abirached représente avec beaucoup de simplicité l’enfant qu’elle était pendant la Guerre Civile libanaise, qui a un impact sur la vie de tous les habitants. Elle raconte la vie de sa famille et celle de ses voisins auxquels on s’attache et qui deviennent en quelque sorte nos propres voisins.

Les différentes scènes de vie qu’elle dessine se passent majoritairement dans l’appartement familial, où voisins, amis, invités, viennent aux nouvelles ou se réfugier. Un espace certes très petit mais rempli de personnes et de vie ; un contraste flagrant avec la guerre qui fait rage à quelques pas de cet abri.

Dans cet ouvrage, tout fait sens jusque dans le titre Mourir, Partir, Revenir – Le jeu des hirondelles. Elle explique d’ailleurs à la fin de son roman graphique comment elle a trouvé ce titre : ce sont des mots qu’elle voit écrits sur un mur à Beyrouth et qui la hantent.

Cette BD d’une tendresse foudroyante est profondément influencé par la littérature française. D’abord, il y a Cyrano de Bergerac, qu’un voisin lui lit dès que l’occasion se présente, et qui représente ces beaux moments de partage qui apportent lumière et chaleur dans un monde qui éclate. Ces moments sont le reflet de ce qu’est la lecture : une aventure humaine et de transmission, un rite qui fédère et qui unit.

Ensuite, il y a bien évidemment l’ombre de Georges Perec, qui flotte au-dessus de Mourir, Partir, Revenir – Le jeu des hirondelles. En effet, comment ne pas songer à La Vie mode d’emploi, qui raconte des tranches de vies dont le décor se résume à un immeuble dont on a enlevé la façade lorsque l’on découvre la construction narratologique qu’emploie Zeina Abirached dans cette BD ?

L’autrice a d’ailleurs souvent clamé son admiration pour l’écrivain français, obsédé par le souvenir d’enfance, et dont la famille a été victime de « l’Histoire avec sa grande hache ».

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