PARIS 2024. Un slogan pour annoncer le lieu et la date des prochains Jeux Olympiques. Depuis de nombreux mois, les « Jeux » sont au cœur de l’actualité politique et culturelle françaises. Ils ont par exemple été l’un des enjeux majeurs de l’élection municipale à Paris. Chaque événement social, chaque crise qu’a traversée le pays ces derniers mois, a suscité des craintes sur leur bon déroulement.
Cependant, malgré tout ce brouhaha, les Jeux Olympiques de 2024 sont promis à un énorme succès. On attend plusieurs millions de touristes, spécialement venus pour l’événement. Les Français devraient, vraisemblablement, ne pas bouder cette grande messe sportive. Mais pour Cheminez, c’est surtout une merveilleuse occasion de découvrir d’autres Jeux Olympiques, beaucoup moins médiatisés mais tout aussi intéressants : les jeux amazones.
Petite histoire des jeux Olympiques
Afin de saisir l’importance de ce que revêtent ces jeux méconnus, il convient de nous intéresser à l’Histoire des Jeux Olympiques. Les « Jeux » modernes datent du XIXème siècle mais les origines de ces spectacles sportifs remontent au VIIIème siècle avant J-C, dans la Grèce antique. Ces jeux perdurent pendant près de mille ans regroupant athlètes et citoyens tous les quatre ans. Ils sont avant tout un festival religieux conçu pour honorer les dieux grecs, et plus particulièrement Zeus. Les athlètes mais surtout les vainqueurs deviennent les héros de leurs cités lorsqu’ils remportent les épreuves. Les jeux sont un évènement de communion collective, pour pratiquer des sports en lien avec les cultures des peuples. L’évènement est donc un moment sportif, festif, religieux et social.

Après une longue absence, les jeux refont leur apparition en 1896 à Athènes. La seconde édition a lieu à Paris, en 1900. Aujourd’hui, les Jeux Olympiques sont un évènement mondial, attendu et suivi à travers toute la planète. Les épreuves sont retransmises à la télévision et à la radio, et de nombreux pays sont représentés. Le succès et l’augmentation de la pratique sportive dans le monde font que chaque année le nombre de compétitions augmente : il y en avait 43 en 1896 et 339 en 2020. De même des sports, dont la pratique a été jugée en déclin, ont été retirés de la liste ; c’est le cas du tir à la corde et du polo.
Les Jeux Amazones, une lutte pour la survie
Malgré le nombre important de pays représentés aux Jeux Olympiques, une communauté est absente de la compétition : les Indiens d’Amazonie. Pour être plus exact, il s’agit de différentes communautés indigènes qui partagent un espace commun : la Forêt Amazonienne.
Pour pallier cette absence, Marcos Terena crée les jeux amazones. En effet, l’écrivain Brésilien, lui même issu d’une communauté indigène, décide de réunir les Indiens d’Amazonie sous le prétexte du jeu pour un moment de rencontre et de partage entre les peuples. C’est un vrai défi lorsqu’on sait que tout ces peuples entretiennent des rapports très différents à la société brésilienne. Certains parlent portugais et sont en contact avec les villes, tandis que d’autres sont très isolés et ne parlent que leurs langues maternelles. Il a fallu les convaincre de quitter leurs villages pour se retrouver tous en un même lieu, rencontrer d’autres tribus et partager leurs cultures avec des inconnus. De même, les organisateurs se devaient d’être très vigilants au mode de vie de chaque communauté pour que les jeux se déroulent sans encombre.

Marcos Terena, à l’origine des Jeux amazones
A l’occasion des jeux de 2000, Marcos Terena a expliqué par le menu[1] les différentes obligations que nécessitait l’organisation de l’évènement, « surtout lorsqu’il s’agit de réunir [ses] frères Indiens de tout le Brésil » :
« Nous avons dû recréer des conditions d’accueil particulières, en proposant aux participants le même environnement que celui dans lequel ils ont l’habitude d’évoluer. Car, si la plupart des participants ont des contacts réguliers avec la civilisation brésilienne, on en accueille aussi qui vivent complètement isolés dans la forêt amazonienne. Il faut donc éviter de provoquer un choc trop violent. »
Une fois le stade et le village construits, place à l’ouverture des jeux sous la forme de festivités. Les participants se préparent. Ils se parent de leurs costumes traditionnels et des peintures corporelles qui correspondent à leurs rites. C’est avec une grande fierté que les groupes défilent, alternant les chants et les danses traditionnelles et sacrées. A ce stade, le spectacle est une expérience ethnologique, historique, linguistique et culturelle pour toutes les personnes présentes. Ces peuples, qui n’apparaissent pas dans les manuels d’Histoire des petits et des grands Brésiliens dévoilent la richesse culturelle de leurs communautés. Les participants, quant à eux, ont pris la cérémonie d’ouverture très à cœur, car ils ont pris soin de préparer les costumes, souvent réalisés à la main pendant des semaines. On découvre un artisanat riche de symboles qui dévoile des techniques de fabrication de costumes, de coiffes et de bijoux locaux.

Tir à la corde, image tirée du documentaire Jeux amazones de la chaîne YouTube SLICE Peuples
Le défilé terminé, c’est l’heure de la lecture en trente et une langues du discours d’ouverture des jeux. Cette place donnée à la langue est un signe de considération de ce qui fait « le ciment » de leur culture, comme l’aime à le rappeler Marcos Terena. Enfin, la Flamme Olympique est allumée et signe la fin de cette longue journée.
Après cette journée de défilés, les jeux peuvent enfin commencer. Le football et le volley occupent une place importante dans les jeux, à la demande des Indiens, qui les pratiquent dans pratiquement tous les villages. Les matinées sont donc consacrées à ces deux sports. Une compétition est prévue également pour les filles sans limite d’âge où mères et filles jouent ensemble.
Il faut savoir que jouer au ballon est un évènement important pour certaines tribus. En effet, chez l’un de ces peuples, les hommes y jouent tous les jours pendant le mois de janvier quand ils célèbrent leur principale divinité. Dans le documentaire Jeux amazones de la chaîne YouTube SLICE Peuples datant du mois de juin 2021, un indigène témoigne :
« Ce n’est pas qu’un jeu. Cette balle, c’est nous qui la fabriquons depuis longtemps avec du latex. Mais elle ne nous appartient pas, elle appartient aux esprits. Ce jeu de balle, on le connait depuis toujours ».
La tribu des Parecis joue, quant à elle, à un autre jeu de balle, appelé le Zicunati. Les joueurs utilisent uniquement la tête pour faire circuler le ballon, l’utilisation des pieds y est formellement interdite. Nous ne savons pas à quand remonte l’apparition de ce jeu mais lorsqu’au début du siècle des explorateurs Brésiliens les découvrent, les Parecis jouaient déjà au Zicunati. Ce contact transforma le rapport des indigènes avec leur propre culture, puisqu’ils parlent portugais et vivent désormais en ville. De fait, le Zicunati est probablement le dernier lien qu’ils entretiennent encore avec leur culture.

Indiens soufflant le ballon en latex pour le Zicunati, image tirée du documentaire Jeux amazones de la chaîne YouTube SLICE Peuples
Les après-midis sont consacrés à d’autres compétitions, le tir à l’arc et le javelot, qui sont plus que des sports traditionnels puisqu’ils participent au mode de vie indigène. En effet, la chasse est pratiquée chez les peuples autochtones et la compétition permet de valoriser les qualités de chasseurs des hommes qui y participent. De même, la natation est une discipline ancrée dans le quotidien des tribus pratiquant la pêche. La compétition porte sur la distance parcourue en un certain temps sans jugement de la nage. Les femmes comme les hommes participent à la compétition. Au programme de ces jeux, nous trouvons également la lutte, la course de tronc, le tir à la corde (qui, on le rappelle, a été retiré de nos jeux Olympiques, alors qu’il est encore pratiqué dans certaines régions d’Europe ainsi que dans de nombreuses kermesses, où il est un jeu particulièrement apprécié des enfants). Ces sports montrent la force des athlètes qui concourent.
Le dernier jour est consacré, à nouveau, aux défilés puis à la remise des médailles. Persuadé d’avoir « respecté l’esprit des jeux », Marcos Terena a déclaré lors des jeux de 2000 :
« Il était important de rappeler à tous les Brésiliens que du sang indien coule dans leurs veines, surtout en cette année de commémoration de l’arrivée, il y a 500 ans, des colonisateurs portugais, et qu’ils peuvent en être fiers ».
Cette déclaration à elle seule résume le sens de ces Jeux Olympiques Amazones : une revendication, un combat, une urgence à exister dans les pays traversés par l’Amazonie ; l’idée même de l’organisation de ces jeux est un acte de résistance.

Tir à l’arc, image tirée du documentaire Jeux amazones de la chaîne YouTube SLICE Peuples
Bien sûr, ils ne bénéficient pas de la médiatisation accordée à nos jeux olympiques car ils ne visent pas les mêmes objectifs. D’ailleurs, comme nous l’avons vu ici, les Jeux Amazones sont peut-être les jeux qui se rapprochent le plus des jeux antiques : un rassemblement de peuples qui se rencontrent pour participer à des compétitions, qui permettent de mettre en valeur les spécificités culturelles, linguistiques et spirituelles de chaque peuple, et ce qui les unit (un territoire et le mode de vie qui en résulte).
Même si ces jeux ont un écho au Brésil, ils sont méconnus en France. On en veut pour preuve les difficultés que nous avons eues à trouver des sources pour la rédaction de cet article. Cette méconnaissance des Jeux Amazones a de quoi nous interroger : on rappelle que la plus grande frontière terrestre française est celle qui sépare la Guyane du Brésil ; or la Guyane comporte de nombreux peuples autochtones amazoniens, qui pourraient légitimement participer à de tels jeux. Pour Cheminez, il est nécessaire de mieux connaitre la culture de nos compatriotes, et donc de nous intéresser aux Jeux amazones.
[1] Les propos de Marcos Terena ont été rapportés par nos confrères du magazine Sport et Vie, dans un des rares dossiers sur la question des jeux amazones, publié dans le n°66 Mai/Juin 2001, page 68-74.
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