Aux lecteurs familiers de notre travail, il pourrait paraître surprenant de trouver sur notre site un article consacré à un personnage de Disney, ce géant du divertissement américain. Qu’ils se rassurent : si nous évoquons aujourd’hui Picsou, c’est précisément parce qu’il incarne, à lui seul, les rares moments où la multinationale a su s’affranchir de ses propres conventions, où elle s’est risquée à sortir de ses propres sentiers battus.
Créé en 1947 par le célèbre dessinateur de bandes-dessinées Carl Barks, Balthazar Picsou est d’abord apparu comme un personnage secondaire des aventures de Donald. Pourtant, cet avare irascible, héritier direct du célèbre Ebenezer Scrooge de Charles Dickens (son nom original, Scrooge McDuck, ne laisse aucun doute), a su conquérir le cœur du public avec une telle force qu’il s’est imposé comme l’un des héros les plus aimés de l’univers Disney.

Si sa radinerie légendaire et son tempérament irascible alimentent sans fin les situations comiques, Picsou, le plus fortuné des habitants de Donaldville, se distingue des grands avares de la littérature par son goût prononcé pour l’aventure et le travail acharné. La richesse qu’il a accumulée, fruit de ses efforts incessants et des risques qu’il a osé prendre, possède aux yeux de Carl Barks une dimension morale profonde. Par ce trait, il s’oppose radicalement aux frères Rapetou, ces truands dont la misère découle précisément de leur refus obstiné de tout labeur.
Après l’ère Carl Barks, le personnage de Picsou passera entre les mains de plusieurs scénaristes italiens avant d’être confié à l’exceptionnel Don Rosa. Entre 1992 et 1994, ce dernier signe le chef-d’œuvre narratif du canard le plus riche du monde : The Life and Times of Scrooge McDuck, ou La Jeunesse de Picsou dans sa version française.

En plus d’avoir donné à Picsou une véritable profondeur psychologique, Don Rosa porte un nouveau regard sur certaines aventures du personnage écrites par Carl Barks. À ce titre, le traitement réservé à Bombie le Zombie en est une parfaite illustration.
En 1949, dans l’histoire Voodoo Hoodoo, Carl Barks donne naissance à Bombie le Zombie, un mort-vivant qui débarque à Donaldville et remet à Donald une poupée vaudou. Cette créature a été invoquée par un sorcier africain afin de punir Balthazar Picsou : quarante ans plus tôt, celui-ci avait chassé les habitants d’un village pour s’emparer d’un trésor. Doté d’une intelligence limitée, Bombie n’envisage pas que Picsou ait pu vieillir au fil des décennies et confond donc le vieil avare avec son neveu Donald.

En plus de recourir à des tropes racistes, Carl Barks ne confronte jamais le canard le plus riche de Donaldville à son passé. Bombie le Zombie est avant tout un personnage comique, et son histoire relève davantage d’une aventure de Donald, qui cherche à lever la malédiction pesant sur lui, que de Picsou, relégué à un rôle très secondaire.
Dans le onzième chapitre de La Jeunesse de Picsou, Don Rosa prend le contre-pied de Voodoo Hoodoo en confrontant directement le canard aux crimes coloniaux dont il est responsable. Bombie le Zombie y est présenté non plus comme une simple figure comique, mais comme un instrument de vengeance légitime, traquant Picsou pour le punir d’avoir détruit le village de Foola Zoola et volé ses terres. Cette approche donne à l’histoire une dimension morale et historique plus complexe, plaçant Picsou face aux conséquences de ses actes passés.

Si Bombie le Zombie conserve, hélas, les stigmates de stéréotypes coloniaux, notamment la représentation de l’Afrique comme un continent mystérieux, magique et dangereux — et ce malgré la parution, quelques années plus tôt, de L’Orientalisme de l’historien américano-palestinien Edward Saïd —, Don Rosa parvient néanmoins à aborder avec gravité le thème de la colonisation et des crimes coloniaux, dans une histoire destinée au jeune public.
C’est là l’un des nombreux mérites de La Jeunesse de Picsou et, plus largement, de l’ensemble des récits que Don Rosa a consacrés au canard le plus riche du monde, tous réunis dans La Grande Histoire de Picsou. Bonne nouvelle : les éditions Glénat rééditent cette immense saga dans une nouvelle édition en dix volumes reliés, reprenant toutes les histoires dans leur ordre chronologique de parution.

Une belle occasion de redécouvrir certaines des meilleures bandes dessinées de l’histoire de Disney ! Notons que, parallèlement, Glénat lance une nouvelle collection intitulée Les Âges d’Or, compilant les meilleures bandes dessinées consacrées à trois des personnages les plus populaires de Disney : Donald, Mickey et Picsou.
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