Deuxième plus grand marché du manga au monde derrière le Japon, la France entretient depuis plusieurs décennies une passion profonde pour la bande dessinée et l’animation japonaises. Il faut dire que l’explosion du Club Dorothée, de la fin des années 1980 jusqu’au milieu des années 1990, a grandement contribué à diffuser cette culture venue d’Extrême-Orient.
Dragon Ball, Les Chevaliers du Zodiaque, Ken le survivant, Ranma ½, Sailor Moon, Juliette je t’aime, Nicky Larson, Signé Cat’s Eyes : autant de séries qui ont rythmé les mercredis des enfants français durant toute une décennie, au grand dam d’une partie des médias et du personnel politique, qui voyaient ces séries d’animation japonaises d’un très mauvais œil.
Tandis que Netflix diffuse actuellement la deuxième saison du remake de Ranma ½ – produit par le célèbre studio MAPPA -, nous voulions revenir sur une autre célèbre série du Club Dorothée, Juliette je t’aime, et plus particulièrement sur le manga qu’elle adapte : Maison Ikkoku.
Publiée au Japon entre 1980 et 1987 dans le magazine de prépublication Big Comic Spirits, la série Maison Ikkoku raconte les déboires de Yusaku Godai, un étudiant de 18 ans et sans le sou, vivant à la pension de famille Maison Ikkoku, habitée par une ribambelle de personnages hauts en couleur qui lui en font voir de toutes les couleurs. Alors qu’il est sur le point de claquer la porte de la pension, il fait la rencontre de la nouvelle concierge, Kyoko Otonashi, jeune veuve de 20 ans dont il tombe immédiatement amoureux.
Écrite et dessinée par Rumiko Takahashi (Ranma ½, Urusei Yatsura), Maison Ikkoku est une comédie romantique aussi drôle que touchante. L’autrice, qui s’est imposée comme la reine incontestée du manga, excelle dans l’art du quiproquo et s’amuse à organiser le chaos dans le quotidien de ses personnages. Pourtant, malgré ce vernis humoristique qui fait toujours mouche, Maison Ikkoku est également un manga très social, qui s’attache à montrer la vie de la classe populaire japonaise des années 1980.
En effet, Maison Ikkoku aborde des thématiques parfois difficiles : le deuil, traité de manière centrale à travers le personnage de Kyôko Otonashi, qui peine à surmonter la perte de son mari ; l’alcoolisme et les excès festifs, illustrés notamment par Hanae Ichinose (souvent ivre et commère) ainsi que par le trio qu’elle forme avec Akemi Roppongi et Yotsuya ; ou encore le monde de la nuit, évoqué via Akemi Roppongi, hôtesse de bar délurée travaillant dans un établissement local. La rivalité amoureuse entre le modeste Yûsaku Godai et le riche Shun Mitaka, tous deux épris de Kyôko, met quant à elle en lumière les différences sociales et les contrastes de statut, sans pour autant constituer une lutte des classes explicite.

Du reste, la vie à la Maison Ikkoku illustre — de manière certes exagérée — un phénomène très répandu dans les années 1970 et 1980 : celui des pensions de famille, aussi appelées genshuku. À la fois abordables, pratiques et propices à la vie communautaire, elles étaient particulièrement prisées par les étudiants japonais venus de la campagne pour s’installer dans les grandes villes. Ce mode d’hébergement a toutefois commencé à décliner à la fin des années 1980, sous l’effet des évolutions économiques et des transformations de la société japonaise.
En plus de franciser les prénoms des personnages, la série Juliette, je t’aime, diffusée dans le Club Dorothée, a souvent été réduite à sa seule dimension romantique. Le jeune public français de l’époque n’a ainsi pas perçu le commentaire social présent dans l’œuvre de Rumiko Takahashi. Et comment lui en tenir rigueur ? Rappelons qu’au Japon, Maison Ikkoku était publiée dans un magazine seinen, c’est-à-dire destiné à un public adulte.
Le regain d’intérêt pour l’oeuvre de Rumiko Takahashi, avec les récentes adaptations d’Urusei Yatsura et de Ranma ½, apparaît comme l’occasion rêvée de se replonger dans cette oeuvre culte pour en découvrir toute la profondeur thématique.
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