On ne dira jamais assez à quel point le cinéma hongkongais, et plus particulièrement celui de John Woo, a bouleversé durablement la façon de filmer les scènes d’action. De Matrix des Wachowski à la saga John Wick de Chad Stahelski, en passant par les films du Gallois Gareth Evans (The Raid, Ravage) et par l’œuvre de Quentin Tarantino, la grammaire cinématographique du réalisateur de The Killer est omniprésente.
Pourtant, il serait affreusement réducteur de résumer le cinéma de John Woo à ses seuls effets de style. En effet, derrière ses histoires d’amitié virile dans un monde violent et corrompu peuplé de flics et de gangsters, le metteur en scène propose une filmographie bien plus politique qu’il n’y paraît.
Ainsi, dans Une balle dans la tête (1990), qui raconte l’enfer de la guerre du Vietnam à travers le regard de trois amis d’enfance contraints de quitter Hong Kong à la fin des années 60, John Woo tire à boulets rouges sur les ingérences occidentales en Asie du Sud-Est, tout en glissant une allusion à peine voilée au massacre de Tian’anmen, durant lequel l’armée chinoise a réprimé dans le sang les manifestations étudiantes et populaires du printemps 1989.
Il faut aussi évoquer À toute épreuve (1992), souvent considéré comme son plus grand chef-d’oeuvre. Ce long-métrage, conçu comme son « passeport pour Hollywood« , apparaît comme l’aboutissement artistique du cinéaste et le reflet de la colère paroxystique qui l’animait alors. À nos confrères de Première Classic, le cinéaste revient sur son état d’esprit à l’époque d’À toute épreuve : « Tout me rendait fou de rage à cette époque, l’état du monde en général et celui de la société hongkongaise, incroyablement inégalitaire. […] Je crois que cette fureur qui anime le film vient de là…«
Réunissant à l’écran les acteurs Chow Yun-fat — muse de John Woo depuis Le Syndicat du Crime (1986) — et Tonny Leung Chiu-wai — acteur fétiche de Wong Kar-wai —, À toute épreuve raconte l’histoire de deux policiers qui tentent de mettre fin au règne des triades chinoises, alors que Hong Kong s’apprête à être rétrocédée à la Chine.
En plaçant l’action de son film cinq ans dans le futur, soit l’année de la rétrocession, le réalisateur révèle le véritable sens de ses effets de style les plus identifiables, comme l’usage du ralenti. John Woo et ses confrères veulent contrôler le temps ! Cette rage et ce sentiment d’urgence qui l’habitaient l’ont conduit à mettre en scène quelques-unes des scènes d’action les plus spectaculaires et mémorables de l’histoire du cinéma, quitte à mettre en danger comédiens, cascadeurs et techniciens.

Le long-métrage commence d’ailleurs par une scène de gunfight dans une maison de thé traditionnelle, filmée alors qu’aucun scénario n’avait encore été écrit. « Il fallait juste mettre en scène une boite d’action dans cette maison de thé avant que les autorités ne la détruisent« , explique John Woo. Réalisée en sept jours à peine, sous haute surveillance de la pègre, cette scène d’action continue d’impressionner plus de trente ans après la parution du film.
De la destruction de cette maison de thé — dans le film, avant de l’être réellement par les autorités chinoises — à celle de l’hôpital sous un déluge de balles et de flammes, À toute épreuve apparaît comme l’ultime photographie d’une ville, déjà blessée par la pègre et sur le point d’être changée à jamais par Rétrocession. Le long-métrage confirme que le cinéma de John Woo est le récit d’une identité sur le point de se morceler. Cette thématique sera d’ailleurs au centre de Volte/Face, son meilleur film d’action hollywoodien, dans lequel un criminel (Nicolas Cage) et un agent du FBI (John Travolta) échangent leurs visages.
Alors que le cinéma hongkongais semble ne pas avoir dit son dernier mot, notamment grâce au travail de Soi Cheang (City of Darnkess, Limbo), on se réjouit de l’acquisition de cent films du légendaire catalogue de la société de production hongkongaise Golden Princess par Metropolitan Films. Ce deal permet la sortie sous le label HK Vidéo de films cultes qui étaient tristement introuvables depuis plusieurs années.

Ainsi, après À toute épreuve (1992) et The Killer (1989) de John Woo, ressortis en salles en août et en novembre 2025 — dans de très belles versions restaurées en 4K —, le public français pourra découvrir la trilogie Histoire de fantômes chinois (1987-1991) de Ching Siu-tung dès le 10 décembre. Suivront également City on Fire (1987) de Ringo Lam en janvier, Une Balle dans la tête (1990) de John Woo en février et la trilogie Le Syndicat du Crime (1986-1989) de John Woo et Tsui Hark en mars 2026. On a hâte !
Chacun de ces films sortira également dans de très belles éditions Blu-Ray 4K Ultra HD + Blu-Ray chez Metropolitan Films. Bonne nouvelle : À toute épreuve de John Woo sortira dès le 16 décembre 2025. Pile à l’heure pour être déposé sous le sapin !
Du 1er au 24 décembre 2025, Cheminez vous propose son Calendrier de l’Avent : chaque jour paraîtra un article mettant en avant un livre, un disque, un film ou un jeu vidéo que nous avons apprécié, afin de vous aider dans vos achats de Noël.






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