Comme l’explique Priyanka P. Mohan, « Le Yakshagana est un art du spectacle traditionnel du Karnataka, en Inde, qui mêle danse, musique, dialogues et costumes élaborés, mettant en scène des récits mythologiques et historiques. » Les spectacles de Yakshagana frappent le spectateur par leur impact visuel : costumes impressionnants, donc, mais aussi maquillages saisissants et gestuelle dynamique soulignent un message qui touche aux émotions, à la raison et à la spiritualité. Ce message est exprimé par les dialogues et les commentaires, les mimes et la chorégraphie.
L’histoire du Yakshagana débuterait vers le XIe siècle, et sa genèse se serait étendue jusqu’au XVIe, au cours duquel on aurait abouti à des formes qui ont certes encore évolué mais ressemblaient déjà à ce que l’on peut voir et entendre aujourd’hui.
C’est dans le Karnataka, au sud de l’Inde, qu’est né et s’est développé le Yakshagana. Plus précisément dans la région côtière, à l’ouest de l’État. La langue utilisée est d’ailleurs généralement le kannada, langue du Karnataka, ou parfois le sanskrit.


Les sources d’inspiration traditionnelles sont liées le plus souvent au Mahâbhârata et au Râmâyana, ces fameuses épopées qui continuent au XXIe siècle à nourrir la culture indienne et son imaginaire flamboyant. Le Bhagavata Purana, consacré à la geste de Krishna, et notamment au récit de son enfance espiègle et divine, constitue une autre source pour les représentations. Les troupes – souvent 15 à 20 acteurs-danseurs et musiciens – choisissent ainsi de mettre en scène un épisode particulier de l’une de ces œuvres et proposent une représentation qui, normalement, dure du coucher au lever du soleil. Il est question aussi de spectacles qui peuvent s’étaler sur deux ou trois nuits.
Le lieu traditionnel de représentation est la cour du temple, et la représentation constitue à la fois une offrande aux divinités et, d’une certaine manière, un divertissement instructif pour le public. Étymologiquement, le mot est issu du sanskrit : « yaksha » désigne les « êtres célestes » et « gana » signifie « chant ». Le Yakshagana est intimement lié au culte vishnouite, et ce n’est donc pas un hasard si les personnages de Krishna et Râma (incarnations ou « avatars » de Vishnou) en sont souvent les héros. On dit que des représentations de Yakshagana étaient aussi données à la cour de royaume de Viyajanâgar (XIVe-XVIIe siècles).


De nos jours, et depuis les dernières décennies du XXe siècle, les représentations de Yakshagana ont évolué de diverses manières. Une des évolutions les plus marquantes a consisté en l’apparition des femmes dans les compagnies, alors que pendant des siècles l’ensemble des rôles était assuré par des acteurs-danseurs masculins, y compris les rôles féminins (souvenons-nous, en occident, du théâtre shakespearien…). Les lieux de représentation ne se limitent plus aux cours de temples, et les spectacles sont de nos jours couramment donnés en intérieur, y compris dans des lieux non religieux. Les thématiques, enfin, se sont diversifiées, incluant notamment des sujets profanes, sociétaux, comme le souligne Priyanka K. Mohan en parlant des actions de sensibilisation menées par son organisation, Yakshadegula.

La musique du Yakshagana est principalement fondée sur le chant et les percussions : plusieurs types de tambours tels que le chande et le maddale, petites cymbales (tala). S’y ajoute l’harmonium pour la mélodie et parfois d’autres instruments tels que la veena, la flûte… Les danseurs eux-mêmes portent des chevillières à grelots.

La représentation de Yakshagana est précédée d’une longue session de préparation : le maquillage et l’habillage font progressivement entrer l’artiste dans son rôle.
Le maquillage exalte les expressions du visage et fait appel à un symbolisme des couleurs, plus ou moins respecté : ainsi le noir et le rouge signalent traditionnellement un démon, le jaune est la marque des héros… Les costumes et les coiffes (couronnes, tiares…) sont très élaborés, constitués de nombreux éléments qui s’ajustent progressivement les uns aux autres. Eux aussi véhiculent des symboles, tout comme les gestes, apparentés aux mudras des danses classiques.
Le spectacle lui-même, qui débute sur un jeu de rideau destiné à créer une attente, est en quelque sorte dirigé par le bhagavatar, chanteur principal et narrateur. Les acteurs-danseurs synchronisent leur prestation avec ses paroles, suivant un scénario préétabli ou improvisant. Alternent moments de danse, de mime, de dialogue…






Il existe diverses variantes du Yakshagana, et notamment deux styles principaux : le Badagutittu (région nord) et le Tenkutittu (région méridionale). Ainsi le tambour chande est plus typique du premier, alors que dans le sud on privilégie le maddale. Les costumes et la gestuelle diffèrent aussi. A noter qu’il existe aussi une version du Ykshagana sous forme de marionnettes.



Nous terminerons en proposant une rapide comparaison en images entre le Yakshagana et le Kathakali du Kérala, qui bénéficie du statut de danse classique.














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