Qui n’a pas rêvé de partir du jour au lendemain à l’autre bout du monde et vivre une aventure extraordinaire ? Sans doute de nombreuses personnes parmi nos lecteurs. Mais bien évidemment, on se retrouve rattrapé par la réalité : travail, famille, argent, animaux de compagnie. Autant d’éléments qui nous font ranger ce rêve dans la case de ceux que l’on exaucera jamais. Angélique Mangon, journaliste chez FR3, a décidé de réaliser ce rêve et est partie pendant trois années en Amérique du Sud, à la rencontre des peuples autochtones qui habitent ce continent aux paysages magnifiques. Elle en a tiré un livre passionnant, Sur la route de la Pachamama et anime aujourd’hui des conférences sur le sujet. Elle répond à nos questions.

Interview dirigée par Philippe Pratx, propos recueillis par Gaëtan DESROIS


CHEMINEZ : Bonjour Angélique Mangon, vous publiez un ouvrage intitulé Sur la route de la Pachamama. Pouvez-vous évoquer la genèse de cet ouvrage ? 

ANGÉLIQUE MANGON : Quand j’étais jeune adulte, j’ai eu l’envie de faire un voyage au long cours, avec un objectif, qui ne soit pas juste un voyage pendant lequel j’allais enchainer les nuits dans des auberges de jeunesse et cocher des cases. À cette époque de ma vie, j’ai fait un certain nombre de rencontres qui ont réveillé ce rêve, mais s’est posé la question : Pour quoi faire ? Quel objectif donner à ce voyage ? 

La destination en elle-même a été choisie assez naturellement quand une amie m’a invitée à son mariage au Chili. J’ai commencé à me documenter sur l’Amérique du Sud et je me suis rendu compte qu’il y a encore de nombreux peuples natifs qui y vivent et qui continuent à nourrir un lien particulier avec la nature, à connaître les plantes, à nourrir cette relation à travers des rituels. C’est ainsi que j’ai trouvé le fil rouge de mon voyage. 

Dès le départ, j’avais l’ambition que ce projet soit partagé avec les écoles avec qui j’ai noué des partenariats, mais aussi avec les personnes qui voudraient suivre mes aventures à travers un blog et mes réseaux sociaux, et aujourd’hui avec un livre et des conférences. Comme j’ai toujours eu envie d’écrire un livre, j’ai pris de nombreuses notes au cours de mon voyage dans des carnets que j’ai réussi à expédier en France. 

CHEMINEZ : Vous êtes journaliste. Étiez-vous déjà journaliste à l’époque de ce voyage ? 

ANGÉLIQUE MANGON : Tout à fait, j’étais déjà journaliste à l’époque. J’ai travaillé à France 3 pendant quatre ans au niveau national. Je me rendais dans les régions. Ça a été quatre années fantastiques, durant lesquelles j’ai rencontré de nombreuses personnes. J’ai découvert plein d’endroits de France que je n’aurais peut-être pas découverts si je n’avais pas eu cette opportunité. Mais j’ai senti que j’étais arrivé au bout d’un cycle. Je me suis remise en question, et me suis demandé si j’avais encore envie d’être journaliste. J’ai eu envie de partir, de rencontrer des gens, de travailler la terre avec eux, mais finalement, il faut croire que c’est dans mon ADN de poser des questions, d’apprendre, de me nourrir, de partager. J’ai donc pris un micro, une caméra et j’ai pris des notes. 

CHEMINEZ : Vous êtes partie pour ce long voyage avec votre appareil photo, votre ordinateur, des projets d’interviews… réflexe sans doute de la journaliste que vous êtes… Est-ce finalement en tant que journaliste que vous avez vécu ces trois années ou plutôt en tant que voyageuse qui voulait profiter de son voyage ?

ANGÉLIQUE MANGON : Un peu les deux. Quand j’étais avec certaines personnes pour réaliser une interview, mes anciens réflexes de journaliste me revenaient naturellement. J’avais également envie de ramener des interviews de bonne qualité, et je les utilise aujourd’hui dans mes conférences. Il fallait donc veiller au son, à l’image. J’ai également écrit des articles pour un certain nombre de médias au fil de mon voyage. 

Et en même temps, j’étais la voyageuse, qui voulait toujours aller plus loin, qui voulait toujours découvrir autre chose, et qui finalement s’est fait un peu absorbée par la thématique. Ce voyage de trois ans et les rencontres que j’ai faites sont venues réveiller quelque chose à l’intérieur de moi. Par ailleurs, mon rythme était celui d’une voyageuse, et non celui d’une journaliste. Tout n’était pas planifié ; si j’avais réalisé un documentaire pour une boite de production, j’aurais dû avancer à un rythme très précis pour livrer un film à la fin. Je n’en avais pas envie parce que je voulais être libre. Le voyage devait durer neuf mois, au final il a duré trois ans. (rires)

CHEMINEZ : Le réalisateur Mouts, qui signe la préface de votre livre, parle de « périple initiatique » : est-ce bien ainsi que vous ressentez l’expérience que vous avez vécue ?

ANGÉLIQUE MANGON : Tout d’abord, je remercie chaleureusement Mouts d’avoir accepté de signer cette préface ; c’est un honneur pour moi et une grande joie. C’était complètement un voyage initiatique. Je m’en veux presque d’utiliser une expression qui me parait aussi galvaudée, mais je n’ai pas d’autre mot. Ce voyage m’a permis de découvrir une vision du monde différente de la nôtre qui m’a beaucoup parlé, où l’humain se sent égal avec tout ce qu’il y a dans la nature, et non pas supérieur. Je l’ai ressenti à l’intérieur de moi. 

Durant ces trois années, j’ai découvert la foi. J’ai vu mes grands-mères puiser dans leur foi pour supporter certains drames de la vie. Et je me sentais triste de ne pas partager cette foi. Mais les croyances de ces peuples qui sont liées à la nature, et qui se sont d’ailleurs mélangées à la foi catholique imposée par la colonisation, m’ont beaucoup plus parlé. Cela m’a amenée sur un chemin spirituel sur lequel je n’imaginais pas marcher. Aujourd’hui encore, je m’interroge : est-ce que ce voyage m’a changée ou a-t-il réveillé quelque chose qui était endormi en moi ? Je n’ai pas encore la réponse. (rires)

CHEMINEZ : Dans le prologue, vous évoquez les idées de résistance et d’abandon (des peurs, des doutes, des certitudes) : pouvez-vous nous en dire davantage à ce sujet ?

ANGÉLIQUE MANGON : Au moment de débuter une grande aventure, il y a de nombreuses peurs qui surviennent : la peur de ne pas y arriver, la peur de se faire agresser, la peur de se faire harceler – encore plus quand on est une femme ! Sans oublier les doutes : après tout, ma vie était bien avant. (rires) Mon travail chez France 3 me plaisait, j’étais prête à signer un CDI, je vivais en collocation, je me déplaçais à vélo à Paris, je faisais des voyages. Plusieurs fois, je me suis dit : « Qu’est-ce que tu es en train de faire ? Tu vas partir vers un inconnu que tu ne maîtrises absolument pas ! Ne serais-tu pas en train de faire une grosse bêtise ? » J’en suis même devenue un peu malade, je faisais des crises d’angoisse. Ces peurs sont nourries par l’entourage et vous font perdre un peu confiance en vous et en vos compétences. Sur l’échelle de la confiance en soi, il faut cinq ou six personnes qui vous font monter un étage quand une seule suffit à vous faire chuter de dix. 

Pour faire taire ces angoisses, j’ai lu beaucoup de livres. Il y a une belle association à Paris, appelée ABM. Dans le quatorzième arrondissement, ils ont une bibliothèque appelée La Case Globe Trotters et spécialisée dans les récits de voyage. Je m’y rendais plusieurs fois par semaine, j’y ai découvert le livre de Mouts, EcoAmerica, voyage en quête de solutions durables, le livre L’Odyssée amérindienne de Julie Baudin, Le Monde en stop de Ludovic Hubler. J’ai écrit à ces auteurs pour les rencontrer. J’ai assisté également à une conférence de Nicolas Breton, qui avait publié Hors des sentiers battus, qui donne plusieurs conseils pour oser quand on ne sait pas comment faire. Pardonnez cette petite minute pub, mais je rends hommage à ces personnes, grâce à qui j’ai osé partir. L’association ABM m’a également donné des contacts de femmes qui avaient fait des voyages toutes seules. À Paris, c’était facile de rencontrer ce type de profil. Quand je suis partie, j’avais encore des peurs, mais elles se sont effacées petit à petit, à mesure que je constatais que tout se passait bien. 

CHEMINEZ : Vous déclarerez : « Je veux construire un projet, définir un thème, apprendre et partager mes découvertes pour inspirer autour de moi. » C’est donc une démarche volontaire et planifiée de partage !

ANGÉLIQUE MANGON : Tout à fait. Je voulais que ce voyage me nourrisse, mais puisse aussi nourrir d’autres personnes. C’est une dimension très importante que j’ai voulu inclure dès le départ. 

CHEMINEZ : Parmi les centaines de rencontres que vous avez faites et parmi les centaines de lieux que vous avez découverts, lesquels retiendriez-vous ? 

ANGÉLIQUE MANGON : Il y a tellement d’endroits et de rencontres qui m’ont marquée. C’est comme un chemin, sur lequel on pose des pavés et qui se construit au fur et à mesure. C’est ce qui s’est passé. Lorsque l’on me pose cette question, j’évoque souvent les communautés Mapuche parce que ce sont les premières communautés natives que j’ai rencontrées dans mon voyage et c’est la première fois que j’ai entendu quelqu’un me dire « Nous on fait partie de la nature, la Terre c’est notre mère, parce qu’elle nous donne tout ! C’est la raison pour laquelle on fait un rituel pour demander à l’Esprit de la Forêt de nous autoriser à traverser la forêt sans embûche. » C’étaient des personnes très humbles, mais surtout très inspirantes, qui ont accepté de me recevoir chez eux alors qu’ils ne me connaissaient pas. Ça m’a marquée ! Ensuite, il y a eu de nombreuses rencontres dans différentes communautés, c’était très nourrissant !

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CHEMINEZ : Votre approche est radicalement différente de celle d’un autre écrivain globe-trotter plus médiatique : Sylvain Tesson. À l’occasion de la promotion de son dernier livre, Avec les fées, il a eu une phrase que je trouverais presque choquante : « Je préfère les paysages aux visages ». 

ANGÉLIQUE MANGON : Il a dit ça ? Je ne vais pas juger ce que dit Sylvain Tesson, mais je peux quand même dire que je ne suis pas du tout d’accord avec lui ! (rires) J’ai traversé des paysages merveilleux et fascinants dans la Patagonie, dans le Nord de l’Argentine, dans les Andes péruviennes et équatoriennes, dans l’Amazonie. J’ai été transportée par ces paysages. Néanmoins, c’est aux personnes que j’ai rencontrées que j’ai voulu rendre hommage dans mon livre. C’est eux qui m’ont nourrie ! Traverser un paysage vide, c’est beau, c’est magnifique, sans doute même peut-on se connecter spirituellement à la nature, mais j’ai besoin de me nourrir de conversations. C’est ça qui était aussi riche dans le fait de voyager en Amérique du Sud : avec une seule langue, on peut traverser plusieurs pays et avoir des conversations riches avec les gens. Cette importance qu’ont eu les rencontres dans mon voyage se manifeste dans mon livre également dans la présence des cartes, sur lesquelles j’ai identifié les personnes aux endroits où je les ai rencontrées pour que le lecteur se repère. Je ne voulais pas me contenter du nom du village, je voulais aussi mentionner le nom des gens. Ce sont eux les personnages ; je ne suis que le vecteur de leur histoire. 

CHEMINEZ : On peut tout à fait aller dans la forêt amazonienne observer les toucans et les caïmans, c’est sans doute une expérience très riche, effectivement. Mais sans le contact des populations qui vivent auprès d’eux toute l’année au point de pouvoir les nommer de manière spécifique, c’est quand même autre chose. 

Votre livre parle de la Pachamama. Comment définiriez-vous ce concept à nos lecteurs qui ignoreraient ce dont il s’agit ? 

ANGÉLIQUE MANGON : En langue quechua – parlée dans les peuples natifs dans les Andes, en Équateur, en Bolivie, dans le nord de l’Argentine, au Pérou –, « Pacha » signifie « Terre » et « Mama » signifie « Mère ». C’est une sorte de divinité en laquelle croient ces peuples et dont ils se sentent aussi faire partie. Les Mapuche l’appellent « Nuke Mapu ». C’est la Nature dans son ensemble, qui comprend tous les éléments de la nature et dont les humains se sentent faire partie et ne se sentent pas supérieurs. 

CHEMINEZ : Le chapitre 5 s’appelle Éveil Spirituel. Comment cet éveil spirituel s’est manifesté chez vous ? Est-ce qu’il a été immédiat ? Est-ce qu’il s’est fait sur le long terme ? 

ANGÉLIQUE MANGON : Chez les Mapuche, j’ai eu cette première prise de conscience lorsque des personnes de la communauté m’ont partagé cette vision. J’ai commencé à rencontrer des gens sages. Lorsque l’anthropologue David Nuñez, qui m’a accompagnée dans ces communautés, m’a dit : « On va aller parler avec El Dueño del Bosque ! », j’ai d’abord cru qu’on allait frapper chez quelqu’un pour lui demander l’autorisation de traverser la forêt – Dueño signifiant « propriétaire ». Mais il a commencé à fumer du tabac et à faire des chants pour que nous puissions traverser tranquillement en étant protégés. C’est à cet instant que je me suis dit : Ça y est, on rentre dans le vif du sujet ! Ensuite, j’ai rencontré le Lonco Carlos – « Lonco » signifie chef de la communauté –, et mon éveil s’est fait petit à petit, au fil des rencontres. Il s’est poursuivi avec les personnes qui sont venues me nourrir, les Quecha du nord de l’Argentine qui remercient la Pachamama comme d’autres remercient Dieu avant chaque repas, en assistant à des rituels d’Inti Raymi, la fête du Soleil en Équateur, en rencontrant des gens de la confession Hare Krishna en Équateur. Toutes ces personnes m’ont apporté leurs visions spirituelles, leurs croyances, qui sont venues nourrir petit à petit cet éveil spirituel. 

CHEMINEZ : Vous racontez qu’un Mapuche du Chili vous a donné une explication concernant la Terre-Mère : « Don Carlos est intarissable. Il m’explique que la Terre-Mère n’est pas seulement ce sol sur lequel nous marchons, ni cette planète sur laquelle nous vivons. Il s’agit d’un concept plus large, qui inclut les éléments vivants qui nous entourent. » Que vous inspirent ces propos ? 

ANGÉLIQUE MANGON : Ça me plonge dans des souvenirs. Don Carlos est la première personne à m’avoir dit ça. Je l’avais lu dans des textes en préparant mon voyage, mais quand il y a une première personne qui vous le dit, vous vous dites « Ça y est ! Je rencontre enfin des gens qui ne pensent pas comme nous, sans que ça me paraisse bizarre ! » Ça me parle, ça m’inspire, ça me donne envie d’en savoir plus. On a fait l’interview avec Don Carlos et ensuite on est resté sur le flanc de la montagne face à la mer pendant une heure ou deux, et on est rentré uniquement parce que l’on avait trop froid. 

CHEMINEZ : Parmi tout ce que vous avez appris durant vos voyages, quels enseignements sont transposables, en France et plus généralement en Europe ? 

ANGÉLIQUE MANGON : Tout. Ce n’est qu’une question de croyance interne à chacun. Il n’est pas nécessaire de se rendre en Amérique du Sud pour se sentir lié à la nature. Au final, ce n’est qu’une question de perception, il faut y croire et le sentir au fond de soi. C’est facile à nourrir là-bas, parce qu’on va rencontrer des gens qui vont partager ces croyances-là, donc on va pouvoir se réunir pour le changement de saison. Mais ici aussi, il est possible de rencontrer des gens qui sont sur un chemin d’éveil spirituel et avec qui on va pouvoir en discuter. Aujourd’hui, ça fait partie de moi. Et que je sois là ou ailleurs, où que ce soit dans le monde, je continuerai à avoir ce rapport à la nature et avec le vivant. 

CHEMINEZ : Pensez-vous qu’il y a une corrélation entre les paysages et les croyances des personnes qui y vivent ? La luxuriance de la nature en Amérique du Sud, de la Forêt Amazonienne à la cordillère des Andes, ne peut-elle finalement pas aboutir que sur ce type de spiritualité ? 

ANGÉLIQUE MANGON : Je sais que pour les populations autochtones des Andes, les montagnes sont sacrées. Les montagnes leur renvoient quelque chose. Il y a un lien nourrissant entre les montagnes et les peuples. Ce sont des croyances qui sont nées dans ces territoires. Les territoires et les croyances sont intrinsèquement liés.

CHEMINEZ : Le livre comporte un cahier photographique. Nous avons trouvé que c’était un joli hommage à toutes les personnes que vous avez rencontrées pendant votre voyage. 

ANGÉLIQUE MANGON : Oui, complètement. Malheureusement tout le monde n’apparaît pas dans le cahier-photo. Il a fallu choisir une trentaine de clichés sur deux disques-durs. C’était peu ! (rires) J’ai choisi des photos qui pouvaient raconter quelque chose, en fonction de ce que je pouvais raconter en légende. Mon objectif était aussi qu’il y ait des photos pour chaque grande étape du voyage. L’hommage, il est davantage dans la conférence que je donne et que j’ai complètement retravaillée à l’occasion de la sortie du livre. Il y a beaucoup plus de photos, il y a des extraits d’interviews, c’est beaucoup plus nourri. On voit vraiment les gens que j’ai rencontrés. Pas tous non plus, parce que ça dure que quarante-cinq minutes, mais on les rencontre vraiment. Dans le livre, j’ai veillé à les décrire, afin d’aider les lecteurs à les imaginer. 

CHEMINEZ : Qu’avez-vous constaté sur la situation linguistique des peuples rencontrés, concernant la pratique des langues autochtones et le rapport à la langue espagnole ? 

ANGÉLIQUE MANGON : Chez les Mapuche, il y a peu de locuteurs du Mapudungun, qui est surtout parlée par les anciens. La langue se perd malheureusement. Heureusement, il y a certaines communautés – où il y a des projets pour transmettre la langue aux nouvelles générations. Le quechua est une langue encore très vivante. Quand je me rendais dans certaines communautés quechua, j’ai rencontré des femmes qui ne parlaient pas espagnol. Leurs maris devaient traduire la conversation en espagnol. Souvent, quand j’arrivais, la conversation commençait en espagnol, mais elle se poursuivait souvent en quechua. C’était frustrant, mais aussi très beau à vivre. Ces langues ont des nuances et des subtilités qui traduisent une vision du monde, des croyances, que l’on ne va pas retrouver dans l’espagnol. C’est donc très important que ces langues restent vivantes. Des pays encouragent leur pratique plus que d’autres. La Bolivie s’appelle officiellement État Plurinational de Bolivie et reconnait l’existence de la trentaine de peuples indigènes vivant sur le territoire. Tous les lundis matin, les élèves chantent l’hymne national en espagnol et dans leurs langues natives. Au contraire, au Chili, il y a de nombreuses tensions avec les Mapuche, qui ne sont pas reconnus comme nation. Je dois aussi dire que, même si la Bolivie reconnait l’existence de cette diversité, il se passe également des choses assez terribles vis-à-vis des populations autochtones, qui ne sont pas toujours protégées par l’État, notamment quand il est question d’exploitation pétrolière ou de barrages hydroélectriques.

CHEMINEZ : Peut-on dire que votre voyage de trois ans vous a fait ressentir qu’il était important de vivre dans l’unité et l’harmonie en même temps que dans la diversité ? 

ANGÉLIQUE MANGON : Oui, tout à fait. Les deux vont ensemble. Il faut faire unité dans la diversité. Aujourd’hui, je me rends compte à quel point rencontrer des personnes diverses est une richesse dont je peux me nourrir. Cette diversité est d’autant plus capitale que si l’on pensait tous la même chose, si l’on avait tous le même point de vue, on s’ennuierait et on irait pas très loin.  

CHEMINEZ : Vous avez travaillé pour France 3, qui est une télévision régionale. Est-ce que ce rapport à la diversité vous l’aviez déjà à l’époque, où est-ce qu’il est né pendant votre voyage en Amérique du Sud ? 

ANGÉLIQUE MANGON : J’ai toujours été curieuse et j’ai toujours désiré rencontrer des personnes qui font des choses que je ne connais pas. Je me rappelle qu’à l’époque où j’étudiais le journalisme, j’avais une camarade de promotion qui disait « J’ai envie de devenir journaliste parce que ça me permettra de faire tous les métiers que je ne pourrai pas faire dans ma vie. » Il y a cet appel-là, à l’intérieur de moi, cette envie de me nourrir de cette diversité. J’aimais aller aux quatre coins de la France dans des endroits que je n’aurais pas visités autrement. Cette possibilité de rencontrer les autres, de découvrir toutes cette diversité, tout cela me faisait vibrer. 


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