La relation entre l’Orient et l’Occident peut difficilement être synthétisée. C’est l’histoire de deux pôles qui s’attirent et se repoussent mutuellement, depuis le premier millénaire. Les romantiques européens ont décrit un Orient lumineux et sensuel, avant de céder leur place à une littérature coloniale qui a décrit le Levant comme un univers sombre et barbare à civiliser. Si l’Occident ne jouit pas toujours d’une bonne presse en Orient, il est aussi ce lieu de sécurité vers lequel des familles viennent trouver refuge.
Certains discours et travaux universitaires voudraient nous dépeindre des relations orientales/occidentales qui ne seraient vouées qu’à l’échec, et dont il ne pourrait résulter que désordre, guerre et misère. C’est le cas notamment de Samuel Huntington, chercheur américain en science politiques, qui s’est fait connaître avec le livre Le Choc des Civilisations, largement diffusé et qui nous dépeint un Orient et un Occident si dissemblables, si fondamentalement opposés, qu’ils en sont devenus des adversaires irrémédiables et tragiques.
D’ailleurs, sans considération pour le contenu de son livre, son titre est assez efficace. Le mot choc attire l’attention du lecteur, avec cette connotation de confrontation, de heurts, de bruit et de violence. Si l’on cherche, dans un dictionnaire des synonymes du mot choc, on obtient « coup », « heurt », « percussion ». À ce titre, le choc peut aussi être une musique. Aujourd’hui, Cheminez voudrait vous inviter à découvrir deux civilisations qui s’entrechoquent… musicalement.

Après avoir fait se rencontrer la musique baroque du compositeur allemand Jean-Sébastien Bach et la musique traditionnelle du Gabon dans l’album Lambarena : Bach to Africa (1995), le compositeur et producteur français Hugues de Courson se lance dans un nouveau projet tout aussi aventureux aux yeux du grand public, dont le titre Mozart l’égyptien précise explicitement la teneur : la jonction entre la musique de Wolfgang Amadeus Mozart et la musique classique égyptienne. Réunissant 150 musiciens bulgares, arabes et bretons, Hugues de Courson enregistre son projet sur disque, qui connait un énorme succès à sa sortie en 1998. Le disque sera certifié double-disque d’or.
Bien évidemment, les connaisseurs de la musique de Mozart se rappelleront que le compositeur autrichien était passionné par l’Orient en général, et par l’Égypte en particulier, qui lui a inspiré deux opéras certes moins connus que La Flûte enchantée ou Don Giovanni, mais qui demeurent des chefs-d’œuvre qui ont participé à la gloire du plus célèbre des compositeurs : L’Oie du Caire et Thamos roi d’Égypte. Parce que ces inspirations étaient davantage thématiques que musicologiques, la rencontre entre ces deux univers musicaux suscite l’émerveillement des uchronies.
Si, lorsqu’ils juxtaposent la musique de Mozart et la musique égyptienne, Hugues de Courson et ses musiciens nous donnent l’impression d’assister plus à des fiançailles qu’à un mariage, certaines pièces du disque sont de véritables moments de grâce, comme ce merveilleux Concerto pour piano n°23 dans lequel le oud s’insère comme s’il avait été toujours là. Une démarche qui n’est pas sans nous rappeler le disque An Henchoù Treuz d’Erik Marchand, qui faisait s’embrasser la chanson bretonne traditionnellement a capella et le oud arabe.






Votre commentaire