Il y a quelques jours, la rédaction de Cheminez publiait la première partie d’un dossier centré sur la Révolution irlandaise. Ce dimanche, comme chaque 17 mars, l’Île d’Émeraude est à l’honneur à l’occasion de la Saint-Patrick. Bien que la fête de la Saint-Patrick soit une célébration religieuse catholique – en hommage au Saint Patron de l’Irlande –, beaucoup la considèrent comme la fête nationale officieuse irlandaise[1]. Aussi avons-nous choisi de profiter de cet événement pour vous parler un peu du drapeau irlandais.
Quelle est l’origine du drapeau irlandais ?
Vert, blanc et orange, le drapeau irlandais est connu de tous les amateurs de rugby qui ont vu le Tournoi des Six Nations comme des amateurs de musique celtique. Il faut savoir toutefois que l’Irlande n’a pas toujours eu un drapeau tricolore. Durant les Guerres des Trois Royaumes – une série de conflits opposant les nationalistes d’Irlande et d’Écosse à l’Angleterre entre 1639 et 1651 –, le leader Owen Roe O’Neill (en gaélique Eoghan Rua Ó Néill) utilisait un drapeau vert avec en son centre une harpe en or, ensuite repris par la Confédération Catholique Irlandaise.

Lorsqu’éclate la Révolution française de 1789, l’Irlande va être profondément attentive à ce qui se passe en France. Sous l’impulsion de Wolfe Tone – un brillant avocat protestant, considéré comme « le père du nationalisme irlandais », comme le souligne l’historienne Alexandra MacLennan –, des tractations vont aboutir à des tentatives ratées pour que des navires français envahissent l’Île en 1794 et en 1798, afin de mettre fin à la domination britannique, obéissant ainsi au vieil adage selon lequel « l’ennemi de mon ennemi est mon ami ».
Malgré le fait que le Royaume-Uni a fortement puni l’intérêt des irlandais à l’égard des idées révolutionnaires françaises, la Révolution française de 1848 – aussi surnommée « Révolution de février – va de nouveau fortement impacter les nationalistes, dont les velléités indépendantistes ont été renforcées par la Grande Famine (1845-1852). Dans une lettre datée du 6 mai 1848 adressée à Alfonse de Lamartine, le poète devenu ministre des Affaires Étrangères, le Consul de France à Dublin écrit :
« La Proclamation de la République Française a été accueillie par le parti libéral [irlandais] avec le plus grand enthousiasme. […] Dans les provinces, la sympathie se manifeste par des illuminations, des processions et des assemblées. Enfin, on annonce un grand meeting à Dublin pour la Fête de Saint-Patrick dans lequel on demandera définitivement le rappel au Parlement Anglais… »

Une délégation de nationalistes irlandais, composée de William Smith O’Brien, John Mitchel et Thomas Francis Meagher, arrive à Paris en mars 1848 à la fois pour étudier la révolution de février, mais également pour trouver des appuis. Toutefois, Lamartine est mariée à une anglaise, et son anglophilie le fait déclarer : « Il m’est impossible de considérer la nationalité irlandaise autrement que comme identique à la nationalité anglaise. »
Si les négociations se soldent par un échec, les Irlandais ne repartent pas de Paris les mains vides. En effet, un groupe de femmes, éprouvant de la sympathie pour le mouvement nationaliste irlandais, offre à la délégation un drapeau tricolore inspiré du drapeau français : le vert symbolise à la fois l’Irlande et le catholicisme, l’orange les protestants d’Ulster, le blanc la paix entre les deux communautés, qui elle seule permettra – selon les pensées de Wolfe – de parvenir à l’Indépendance.

Bien que cette anecdote ne soit pas mentionnée dans l’excellent article L’Irlande et la France en 1848 de l’historien franco-irlandais Pierre Joannon (paru en 1987 dans la revue Études Irlandaises), plusieurs historiens semblent attester de sa véracité, à la manière d’Alexandra MacLennan, dans son Histoire de l’Irlande : de 1912 à nos jours. Elle est par ailleurs rappelée dans un article daté de décembre 2016 par le quotidien irlandais The Irish Times.[2]
En juillet 1848, les membres de la délégation irlandaise tentent de créer un soulèvement dans le Munster. Le 29 juillet, un soulèvement éclate à Ballingary. Toutefois, les insurgés sont trop peu nombreux (à peine une cinquantaine) et très mal armés, et la rébellion se termine dans un potager – ce qui lui vaudra le nom de « Bataille du carré de choux de la veuve McCormack » (« The Battle of Widow McCormack’s Cabbage Patch »). Néanmoins, durant cet événement à l’issue malheureuse, le drapeau irlandais sera déployé, fièrement, pour la première fois.

Il faudra attendre l’Insurrection de Pâques 1916 pour que le drapeau tricolore (en gaélique, An Bhratach Náisiúnta) flotte à nouveau. Pour en savoir plus sur cet événement, nous vous recommandons de lire notre dossier mentionné en introduction. Et si l’Histoire de l’Irlande vous intéresse, nous vous donnons rendez-vous mercredi prochain pour discuter de la Guerre d’Indépendance et de la Guerre Civile irlandaises.
[1] L’Irlande ne possède pas de Fête Nationale au sens propre, reconnue comme telle par la Constitution. Il n’empêche que plusieurs événements historiques se sont déroulés un 17 mars, pour des raisons symboliques.
[2] Article : Patchwork flag celebrates French inspiration for Irish Tricolour, paru le 19 décembre 2016 dans The Irish Times.






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