On dit que l’ennui est le terreau de l’imagination. Nos jeunes pousses ont en horreur cette phrase qu’ils subissent comme la plus cruelle des sanctions par temps de pluie. Et pourtant, Victor Hussenot a réussi le pari de transformer les dessins au stylo bille que l’on a tous gribouillés dans un coin de cahier pour survivre à ce cours ou réunion interminables en véritable ôde à l’Amour !
L’auteur joue des codes de la bande dessinée et des albums jeunesse pour toucher petits et grands romantiques. Il mise sur la simplicité du stylo à bille pour aborder la complexité du sentiment amoureux. L’ouvrage repose sur une narration sans texte et des illustrations minimalistes tracées avec 2 couleurs: la Fille en rouge et le Garçon en bleu.
On est d’emblée plongés dans cette épopée à deux, avec une intensité grandissante au fil des pages. Les personnages cohabitent toujours sur le même espace ou se font face d’une page à l’autre. Les traits rouges et bleus se confondent, s’enlacent, se brisent ou se complètent, à l’image des sentiments développés par la Fille et le Garçon.

Tout le talent de Victor Hussenot réside dans sa capacité à nous toucher sans texte, avec des personnages dont les visages ne sont que des contours mais dont les pirouettes graphiques nous donnent le vertige. Et si c’était ça être amoureux?
Dès le début les éclats de joie font sauter les cases délimitées par des tracés continus pour laisser place à des constellations de rires. On se surprend à sourire du coeur devant la fraîcheur et la candeur des scènes illustrées.
Soudain, la symphonie du bonheur, l’ivresse des débuts est mise à mal : on y voit les notes de musique s’effondrer pour assommer brutalement les amoureux dansants. Comme un rude retour à la réalité moins insouciante. Mais il en faut plus pour freiner nos deux alchimistes de l’amour qui transforment ces lignes en véritables fresques devant lesquelles on prend le temps de s’attarder pour mieux les admirer. Portés par cette force, la Fille et le Garçon érigent des forts, surmontent pléthore d’obstacles et font germer leurs univers respectifs en forêts tropicales et sommets montagneux. Chacun fait vibrer ses propres lignes, rythmées par des ondulations qui sonnent comme des riffs de jazz.

Mais un troisième personnage s’immisce dans le joyeux paysage, et bien qu’invisible, vient secouer les lignes harmonieuses : l’Ego. Là encore, Victor Hussenot retranscrit avec finesse les éclats d’âmes et tempêtes émotionnelles que cette intrusion amène sur son passage. Tourbillons et tracés frénétiques envahissent les pages suivantes pour laisser libre court aux émotions de nos deux intrépides.
On ne vous en dira pas plus sur la suite de ce conte qui ravira les coeurs d’artichauts, réconciliera les plus rigides à la beauté des ratures et incitera les adultes à jouer davantage au jeu de l’Amour avec un grand A.
On referme l’album avec le même plaisir réconfortant d’avoir savouré une brioche tiède, la culpabilité en moins.
Les Amoureux, de Victor Hussenot, éditions La Joie de Lire. Prix : 15,90 euros.






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